La tension monte entre les États-Unis et l’Iran depuis qu’un drone américain a été abattu jeudi par Téhéran qui affirme qu’il se trouvait dans son espace aérien, ce que contestent les Américains.
L’Iran a averti, vendredi 21 juin, qu’il défendrait son territoire contre toute attaque, le New York Times affirmant que Donald Trump avait initialement approuvé des frappes contre des cibles iraniennes avant de faire machine arrière.
Pour les spécialistes consultés par franceinfo, une escalade de la confrontation est tout à fait envisageable, chacun jouant avec les nerfs de l’autre : « Je ne sais pas si on a dépassé la guerre des mots, mais on est toujours dans cette logique », estime Bertrand Badie, professeur à Sciences Po Paris, spécialiste des relations internationales.
Menaces par tweets interposés
« Trump n’a pas véritablement de diplomatie. Il a une diplomatie électorale et une diplomatie d’affichage. Il faut faire du bruit, il faut être au-devant de la scène, mais pas forcément dans l’idée de transformer ce jeu de scène en résultat concret », explique Bertrand Badie, précisant que « le propre de ces approches des faits internationaux, c’est de produire beaucoup d’incertitudes. »
Donald Trump communique avec beaucoup de personnes en même temps et c’est justement cette confusion de niveau qui alimente bien des ambiguïtés. Ils parlent à ses électeurs pour montrer qu’il ne se laisse pas faire avec un pays qui n’est pas très populaire, surtout dans son électorat. Il parle aussi à ses alliés contradictoires au Moyen-Orient, en même temps Israël et l’Arabie saoudite.
Le problème d’une communication à grand coup de tweets, c’est que cela risque de conduire à une escalade entre l’Iran et les États-Unis. « Une stratégie dangereuse« , affirme sur franceinfo Thierry Coville, chercheur à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) et spécialiste de l’Iran.
Mettre la pression pour négocier
Après plusieurs jours de tension, Donald Trump s’est dit prêt vendredi soir à parler « sans conditions préalables » avec le guide suprême l’ayatollah Ali Khamenei ou le président Hassan Rohani. Vincent Eiffling ne croit pas à la menace de Donald Trump d’attaquer militairement l’Iran. Comme avec la Corée, il s’agit de « mettre une pression maximale sur le régime visé afin de faire croire qu’une intervention militaire est possible, voire quasiment imminente, afin d’attirer les dirigeants étrangers à la table des négociations », explique le spécialiste de l’Iran, chercheur au Centre d’étude des crises et des conflits internationaux.
Toutefois, « le problème est que l’Iran n’est pas la Corée du Nord et que les recettes qui ont fonctionné avec Pyongyang ne vont pas forcément fonctionner avec Téhéran », prévient Vincent Eiffling. Les gardiens de la Révolution, qui ont abattu le drone américain, « ont été classifiés par l’administration américaine il y a un peu plus d’un mois comme une organisation terroriste, rappelle le spécialiste de l’Iran. De leur point de vue, c’est Donald Trump qui, d’une certaine manière, leur a déclaré la guerre ou du moins entamé les hostilités à leur encontre. Cibler le drone et l’abattre étaient une manière pour eux de donner une gifle à Washington sans qu’il y ait de pertes humaines, donc sans franchir une certaine ligne rouge. »
L’Iran, pas si isolé que ça
Il faut dire que la situation économique de l’Iran est catastrophique : 40 à 50% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et lutte par exemple pour avoir accès à des médicaments. Mais l’Iran « tient bon », comme le rappelle sur franceinfo Annick Cizel, historienne et maître de conférences à La Sorbonne et auteure de « Négocier l’atome : les États-Unis et les négociations de l’accord sur le nucléaire iranien ». Le pays possède aussi des alliés sur la scène internationale comme la Chine ou la Russie.
« On voit Xi Jinping dialoguer énormément avec les Iraniens et les Nord-Coréens et se poser en médiateur global contre les États-Unis », explique l’historienne. « Il y a un risque de conflagration régionale. Dans un conflit avec les États-Unis, l’Iran aurait à ses côtés le Hezbollah libanais, le Hamas contre Israël, les milices chiites en Irak, et les Houthis au Yémen contre l’Arabie saoudite. »
Mais jusqu’ici, les généraux américains ont réussi à influencer Donald Trump dans le bon sens. Leur argument : ils ne peuvent pas garantir des frappes sans « dommages collatéraux » civils. Cela suffit à provoquer une marche arrière du président américain.