Neutralité carbone en 2050 : « une occasion manquée » pour l’UE

La vague verte aux européennes et la mobilisation de la jeunesse en faveur de l’urgence climatique n’ont pas suffi à mettre d’accord les 28 sur une action à échéance jugée lointaine par les ONG.

Une note de bas de page. Si l’objectif de neutralité climatique figure bien dans les conclusions du sommet européen qui s’est tenu les 20 et 21 juin à Bruxelles, la date-objectif de 2050 a, elle, été reléguée en marge du document pour préciser qu’une majorité de pays soutenaient cette échéance. Une majorité, et non l’unanimité. Or l’accord des 28 était requis pour que la neutralité carbone à échéance 2050 soit posée comme un engagement de l’UE.

« C’est une occasion manquée et un échec à répondre à la pression concernant l’urgence climatique portée par les jeunes et relayée par la poussée des Verts aux élections européennes », estime Cécile Marchand, chargée de campagne Climat aux Amis de la Terre, association de protection de l’Homme et de l’environnement, membre du réseau européen « Beyond coal ».

L’objectif de la neutralité carbone en 2050 est pourtant crucial pour atteindre un autre objectif écrit celui-là noir sur blanc, dans l’accord de Paris (et dans lequel l’UE a joué un rôle pilote) : limiter la hausse de la température globale à « bien moins de 2 °C » d’ici 2100.La neutralité carbone, ou zéro émission nette, est définie comme l’équilibre entre les émissions de gaz à effet serre dans l’atmosphère et les absorptions anthropiques par les puits de carbone tels que les forêts, les prairies, les sols agricoles mais aussi la capture et le stockage de carbone par des procédés industriels.

« Dramatique pour la diplomatie climatique »

« Quatre pays ont fait échouer l’inscription de l’objectif de 2050 : la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et l’Estonie », souligne Cécile Marchand, qui relève que cette issue était toutefois « assez prévisible ».

Avec le charbon comme principale source d’énergie, la Pologne a mené la fronde. « Nous ne voulons pas conduire à une situation où l’économie polonaise pâtirait des efforts pour le climat dans le monde », a fait valoir le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki devant la presse à son retour de Bruxelles. Il a, par ailleurs, de nouveau posé comme condition à un accord sur la date de 2050 un « paquet compensatoire précis » de la part de l’UE.

Une ligne similaire à celle du gouvernement hongrois qui a indiqué vendredi que l’objectif de neutralité carbone en 2050 « imposerait d’énormes charges sur l’industrie hongroise » et risquerait d’augmenter « de 30 ou 40 % » la facture d’électricité des familles hongroises.

Depuis des mois, l’augmentation des financements européens en Europe centrale en échange d’un vote en faveur de l’objectif 2050 fait l’objet de négociations mais celles-ci n’ont pas abouti. « Il y a une réticence à allouer des fonds alors que les doutes existent concernant la volonté réelle du gouvernement polonais (conservateur et nationaliste), par exemple, de respecter ses engagements », analyse Cécile Marchand.

« Dramatique pour la diplomatie climatique », « un élan réduit à une note de bas de page » : de Greenpeace à WWF, toutes les ONG pro-environnement déploraient de concert vendredi l’incapacité des 28 sur l’objectif 2050. Un raté d’autant plus regrettable selon Cécile Marchand que si un accord sur l’objectif 2050 aurait envoyé « un signal positif », cela n’aurait pas réglé pour autant le problème du réchauffement climatique. « Les objectifs à long terme comme 2050 peuvent aussi être une façon de repousser l’action à plus tard », estime-t-elle. De fait, fin 2018, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a averti dans un rapport qu’il restait onze ans pour inverser la tendance.

La plupart des ONG environnementales réclament des actions de court terme pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 57 % d’ici à 2030 (sans compter l’absorption par les puits de carbone naturels que sont les océans et les forêts). Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a, lui-même, appelé l’Union européenne, troisième pollueur mondial, à viser une réduction de 55 %.

« Notre combat pour le climat avance : 24 États membres partagent désormais l’objectif de neutralité carbone pour 2050. Il y a trois mois à peine, nous n’étions que quelques-uns », s’est félicité Emmanuel Macron vendredi sur Twitter.

Mais pour Cécile Marchand, le président français est dans le « double discours » si l’on considère par exemple les modestes ambitions de la loi énergie climat. « C’est compliqué de faire de la diplomatie climatique quand votre propre pays n’est pas à la hauteur en la matière », tranche-t-elle.

L’UE parviendra-telle à rectifier le tir d’ici le sommet sur le climat organisé en septembre par les Nations unies ? Alors que les 28 cherchent un successeur à la tête de la Commission européenne, les candidats pressentis ne sont pas, en tout cas, selon Cécile Marchand, « connus pour leurs connaissances ou leur expérience dans le domaine de l’action climatique ».

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