Le candidat du pouvoir à l’élection présidentielle en Mauritanie, Mohamed Cheikh El-Ghazouani, l’emporte avec 52 % des voix dès le premier tour, selon les résultats annoncés dimanche soir par la Commission électorale et récusés par ses adversaires, rapporte aujourd’hui LaLibre.
Ce scrutin doit marquer la première transition entre deux présidents élus dans ce vaste pays du Sahel secoué par de nombreux coups d’Etat de 1978 à 2008, date du putsch qui a porté Mohamed Ould Abdel Aziz au pouvoir, avant son élection en 2009. Il ne pouvait se représenter après deux mandats.
M. Ghazouani s’est déclaré vainqueur à partir des résultats sur 80 % des bureaux de vote, au terme d’une veillée électorale dans la nuit de samedi à dimanche en présence de M. Ould Abdel Aziz.
L’opposition, à laquelle appartiennent quatre de ses cinq concurrents, a qualifié cette annonce précoce de « nouveau coup d’Etat » de la part de ces deux anciens généraux. Ses candidats crient depuis des mois aux risques de perpétuation d’un régime « militaire » et de fraude.
Dans la soirée, la Commission nationale électorale indépendante (Céni) a confirmé la victoire de M. Ghazouani, qui remporte 52,01 % des suffrages sur l’ensemble des bureaux.
Il est suivi par les quatre opposants: le militant anti-esclavagiste Biram Ould Dah Ould Abeid (18,58 %), l’ex-Premier ministre Sidi Mohamed Ould Boubacar (17,87 %) le journaliste Baba Hamidou Kane (8,71 %) et le professeur d’université Mohamed Ould Moloud (2,44 %).
Ces résultats doivent encore être validés par le Conseil constitutionnel après examen d’éventuelles contestations, alors que les quatre candidats d’opposition ont annoncé leur intention d’utiliser tous les recours légaux.
Les Mauritaniens ont voté samedi nombreux – 62,66% de participation, selon la Céni – pour désigner leur président, qui devra préserver la stabilité chèrement conquise par le pays, mais aussi en assurer le développement économique et y faire progresser le respect des droits humains.
– Appel à manifester pacifiquement –
L’opposition a rejeté les résultats, exigeant e la Céni leur publication « bureau par bureau » afin de pouvoir les comparer avec ses propres relevés impliquant selon elle la probable tenue d’un second tour, le 6 juillet.
« Nous considérons qu’ils n’expriment nullement la volonté du peuple mauritanien », a dit Sidi Mohamed Ould Boubacar lors d’une conférence de presse conjointe des quatre opposants.
M. Ould Abeid a aussi appelé ses concitoyens à « résister dans les limites de la loi à ce énième coup d’Etat contre la volonté du peuple ».
Des incidents ont éclaté entre manifestants et policiers à la suite de la déclaration de M. Ghazouani, dans la capitale et à Nouadhibou, (nord-ouest), l’unique province où il ne soit pas arrivé en tête, devancé par M. Ould Abeid.
Dans la soirée, des concerts de klaxons ont salué l’annonce de sa victoire sur les principales artères de Nouakchott, où des embouteillages se sont formés.
Parallèlement, les quatre candidats de l’opposition étaient convoqués par le ministre de l’Intérieur Ahmedou Ould Abdallah, qui leur a demandé d’appeler au calme, selon les intéressés.
« Nous allons organiser des manifestations de protestation, c’est notre droit constitutionnel » a déclaré Mohamed Ould Moloud, lors d’une nouvelle conférence de presse conjointe qui s’est tenue très tard dans la nuit de dimanche à lundi, insistant sur leur caractère « pacifique ».
Ces manifestations débuteront lundi après-midi, a précisé Baba Hamidou Kane. « Les quatre candidats de l’opposition iront demain (lundi) à la Céni porter officiellement leur protestation et le rejet des résultats », a-t-il dit.
M. Ould Abdel Aziz a stabilisé la Mauritanie, frappée dans les années 2000 par des attentats jihadistes et des enlèvements d’étrangers, en menant une politique volontariste: remise sur pied de l’armée, surveillance accrue du territoire et développement des zones reculées.
Mais les critiques se focalisent sur les droits fondamentaux, dans une société marquée par des disparités persistantes entre communautés arabo-berbère, haratine (descendants d’esclaves de maîtres arabo-berbères, dont ils partagent la culture) et afro-mauritanienne, généralement de langue maternelle d’ethnies subsahariennes.
La croissance économique, de 3,6% en 2018, bien qu’en amélioration, reste insuffisante par rapport à la démographie, selon un rapport de la Banque mondiale (BM) publié en mai.
La BM salue le rétablissement de la « stabilité macroéconomique », avec des projections de croissance annuelle de 6,2% en moyenne en 2019-2021, mais appelle à libérer le secteur privé, citant en premier lieu les difficultés d' »accès au crédit » et « la corruption ».