Le Premier ministre tchèque Andrej Babis a survécu tôt jeudi matin à un vote de défiance déposé par l’opposition au Parlement, malgré des soupçons de fraude et des manifestations de masse pour réclamer sa démission.
Prenant la parole mercredi au Parlement, M. Babis avait déclaré: « Ce vote ne concerne pas beaucoup le gouvernement, mais plutôt me concerne moi ». Il avait également « une tentative de déstabiliser le pays ».
Au terme d’une session-marathon de 17 heures, l’opposition n’a pas réussi à obtenir les 101 voix nécessaires au Parlement pour renverser le gouvernement. 85 députés ont voté contre, et 85 pour, a annoncé la députée Jana Cernochova. Seuls 170 des 200 parlementaires étaient présents dans l’hémicycle.
Le gouvernement du milliardaire est issu d’une coalition minoritaire de son mouvement populiste ANO et des sociaux-démocrates (CSSD). Avec le soutien informel des communistes il a derrière lui 108 députés sur 200.
Tant le CSSD que les communistes avaient annoncé qu’ils le soutiendraient lors du vote.
« Il serait surprenant qu’ils (le gouvernement) perdent », avait dit à l’AFPTomas Lebeda, analyste à l’université Palacky d’Olomouc, d’accord sur ce point avec d’autres commentateurs.
« L’opposition aurait besoin de 101 voix, qu’elle n’a pas », avait-il ajouté.
L’homme d’affaires de 64 ans d’origine slovaque, fondateur du géant de l’agro-alimentaire Agrofert et deuxième fortune du pays selon Forbes, a été inculpé l’an dernier de détournement de deux millions d’euros de fonds européens par la justice de son pays.
Et, selon deux audits commandés par la Commission européenne, qui lui réclame de rembourser 17,4 millions d’euros de subventions indument perçues selon la presse, il serait en situation de conflit d’intérêts en raison de sa double casquette d’homme politique et d’entrepreneur.
Les adversaires du Premier ministre invoquent aussi à son égard des soupçons de collaboration avec l’ancienne police politique communiste tchécoslovaque.
M. Babis rejette toutes ces allégations, qu’il qualifie de calomnies, et affirme que les audits européens sont marqués par des « erreurs ».
La grande manifestation d’un quart de million de personnes dimanche dernier à Prague a marqué l’apogée d’une série de rassemblements dirigés tant contre M. Babis que contre sa nouvelle ministre de la Justice, Marie Benesova, que ses adversaires soupçonnent de vouloir freiner ou bloquer les poursuites contre le milliardaire. Il s’agissait du plus grand rassemblement de foule jamais vu depuis la chute du communisme.
Le Premier ministre avait déclaré dimanche qu’il ne comprenait pas les protestations. « Un défilé de gens qui parlent haut et fort d’indépendance de la justice, mais m’envoient directement en prison », a-t-il commenté. « Il semble que plus vous dépensez de l’argent et plus les gens sont mécontents. C’est une situation bizarre », avait-il dit en allusion à l’augmentation des dépenses sociales et des retraites intervenue sous son mandat.
Malgré les problèmes de son chef, ANO, qui a remporté les législatives en 2017 après une campagne axée sur la lutte contre la corruption, bénéficie d’un soutien stable d’environ 30 % des Tchèques dans les sondages d’opinion. Il est arrivé en tête des élections au Parlement européen en mai, avec 21,18 % des suffrages.