Sur les routes de Grèce, la colère des électeurs de Macédoine

Dans la région grecque de Macédoine, l’accord sur le nom du pays voisin « est vraiment la goutte qui a fait déborder le vase »: à une semaine des élections législatives, Christos Biglikoudis se sent « trahi » par la gauche d’Alexis Tsipras.

A Pella, devant son ancien café, fermé pour cause de crise, cet ouvrier de 39 ans, ne tarit pas de colère à l’encontre de Syriza, le parti du Premier ministre grec.

« Le gouvernement Syriza a bradé notre pays », fustige-t-il, dénonçant « l’usurpation » du nom de la région grecque de Macédoine par le petit pays balkanique voisin, dont la frontière est à peine à quelques kilomètres.

Sous la pression de l’Occident et au grand dam de la Russie, Tsipras et son homologue macédonien Zoran Zaev ont conclu un accord qui rebaptise la petite République voisine en Macédoine du Nord, pour mettre fin à un imbroglio diplomatique de presque trente ans.

Signé en juin 2018 près du lac frontalier de Prespes (ou Prespa) et entériné par les Parlements grec et macédonien un an plus tard, cet accord a ouvert la voie au processus d’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Otan et l’UE.

Devant l’ancien café de Christos, sur la place centrale de Pella, trône la statue d’Alexandre le Grand, le héros et conquérant grec, dont c’est la ville natale.

L’ancien royaume de Macédoine, dont Pella fut la capitale, comprend aujourd’hui des territoires de Macédoine du Nord, de Bulgarie et d’Albanie.

« Après la crise, la pauvreté, le chômage, c’est la goutte qui a fait déborder le vase: nous avons été trahis par le gouvernement », lance l’ex-cafetier, cinq mois après les grandes manifestations contre l’accord de Prespes qui ont agité Athènes mais surtout Thessalonique, chef-lieu de Macédoine, la deuxième ville du pays.

« Cet accord est la pire des choses qui puisse arriver », assène-t-il encore. « Les habitants ici sont très en colère. Je ne comprends pas comment les gens ont pu voter pour Syriza », aux européennes et aux élections locales fin mai et début juin.

S’il n’a pas été déterminant au niveau du pays, selon les analystes, l’accord controversé a été un ingrédient de la défaite écrasante du parti Syriza lors de ces scrutins, face à la droite (Nouvelle Démocratie) de Kyriakos Mitsotakis.

Aux européennes, l’écart entre les deux partis était de plus de 20 points dans certains départements du nord de la Grèce.

Le Premier ministre lui-même était conscient du « coût politique » que cet accord engendrerait et a reconnu ses « répercussions » non seulement dans le nord mais aussi « à travers le pays ».

Pour Nikos Marantzidis, professeur de l’Université de Macédoine à Thessalonique, « l’opposition de droite a profité de l’isolement du Syriza dans le nord de la Grèce et rendu difficile la campagne de la gauche ».

Pour cet analyste, « les candidats du Syriza ont été pris dans une spirale du silence car il n’ont pas pu ouvertement soutenir le choix de leur parti, surtout dans le nord de la Grèce ».

Vote sanction

« Il faut les pendre », martèle Yiannis, un retraité de 70 ans, parlant des élus de Syriza.

A quinze jours des législatives du 7 juillet, les électeurs dans le Nord de la Grèce s’apprêtaient à voter « pour sanctionner le gouvernement », prédisait aussi Lazaros, un agriculteur de Macédoine.

Car ici, on est « plus intéressé par la question de la Macédoine que par les problèmes économiques ».

Outre la droite, c’est le parti nationaliste grec Solution grecque, de Kyriakos Velopoulos, qui a profité de cette colère. Faisant campagne contre l’accord de Prespes, cet ancien député d’extrême droite a créé la surprise en remportant pour la première fois un siège au Parlement européen, avec plus de 8% des suffrages dans le Nord de la Grèce.

« Une grande partie des électeurs du Syriza a été absorbée par notre parti », se félicite Babis Panayotidis, professeur d’éducation physique et candidat Solution grecque aux législatives.

« Nous voulons que les électeurs (du parti néonazi) Aube dorée votent pour nous et que ce parti disparaisse », ajoute cet ancien champion. Selon lui, « une majeure partie de l’électorat qui a voté pour notre parti est opposé à l’accord de Prespes ».

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