L’Iran a franchi lundi la limite imposée à ses réserves d’uranium faiblement enrichi par l’accord de 2015 sur son programme nucléaire, accentuant le courroux des Etats-Unis dans un contexte de tensions déjà exacerbées entre les deux pays, écrit LePoint.
« L’Iran a dépassé la limite des 300 kilogrammes » d’uranium faiblement enrichi, a annoncé le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif à l’agence semi-officielle Isna.
Chargée de vérifier que Téhéran s’acquitte de ses engagements pris vis-à-vis de la communauté internationale en juillet 2015 à Vienne, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a confirmé que l’Iran avait dépassé la limite imposée par le pacte.
La réaction de la Maison Blanche n’a pas tardé. L’Iran « joue avec le feu », a réagi Donald Trump auprès de journalistes. Ils savent très bien ce qu’ils font ». « Ils connaissent actuellement de nombreuses difficultés dans leur pays », a-t-il ajouté dans un entretien à la chaîne Fox News diffusé lundi soir, espérant voir Téhéran, étranglé par les sanctions, « revenir » à la table des négociations et « demander à nouer un accord ».
Alors le locataire de la Maison Blanche a partagé son mécontentement avec son homologue français Emmanuel Macron, ayant par ailleurs réaffirmé sa volonté de poursuivre sa campagne de « pression maximale » sur l’Iran.
Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, à son tour, a accusé Téhéran, « premier sponsor mondial du terrorisme » selon lui, d’utiliser « son programme nucléaire pour extorquer la communauté internationale et menacer la sécurité régionale ».
Les Etats-Unis, qui se sont retirés en mai 2018 de l’accord sur le nucléaire iranien, appellent à interdire à l’Iran tout enrichissement d’uranium.
L’annonce de Téhéran survient sur fond de tensions déjà vives avec Washington, faisant craindre un embrasement dans la région stratégique du Golfe.
La crise entre les deux ennemis a connu un pic le 20 juin après que l’Iran a abattu un drone américain. Selon Téhéran, l’appareil avait violé l’espace aérien iranien, ce qu’a démenti Washington.
Donald Trump avait indiqué avoir annulé à la dernière minute le lendemain des frappes de représailles contre la République islamique.
La question est désormais de savoir quelles seront les conséquences du dépassement annoncé lundi par l’Iran.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a appelé les pays européens à sanctionner Téhéran.
Trois pays européens restent, avec la Russie et la Chine, parties à l’accord: l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France.
Ces dernières semaines, ils ont exhorté l’Iran à ne pas commettre l' »erreur » de se retrouver en situation de « violation » de l’accord.
Téhéran affirme agir « dans le cadre » du pacte, invoquant deux articles permettant à une partie de s’affranchir temporairement de certains de ses engagements si elle estime qu’une autre ne tient pas les siens.
« Nous n’avons PAS violé » l’accord, a écrit M. Zarif sur Twitter.
Dans un autre tweet, celui-ci surligne un passage du communiqué de la Maison Blanche affirmant qu « il y a peu de doutes sur le fait que l’Iran violait les termes de l’accord avant même que celui-ci existe ». « Sans rire ? » demande-t-il.
Le dépassement de la limite « suscite le regret, mais il ne faut pas dramatiser », a réagi Moscou, appelant les Européens à « ne pas envenimer la situation ».
Londres a exhorté « l’Iran à ne plus s’éloigner de (l’accord) et à se conformer de nouveau à ses obligations ». Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit « préoccupé » par le dépassement iranien.
Pour autant, M. Zarif a redit la détermination de son pays à continuer de se désengager progressivement de l’accord tant qu’il n’obtient pas les garanties qu’il demande aux autres parties pour contrer les effets de la sortie américaine du pacte.
Par l’accord de Vienne, l’Iran s’est engagé à ne pas chercher à acquérir la bombe atomique et a accepté de réduire drastiquement son programme nucléaire en échange de la levée de sanctions internationales asphyxiant son économie.
Mais le retour des sanctions américaines ayant suivi le retrait américain de l’accord isole presque totalement l’Iran du système financier international et lui fait perdre la quasi-totalité de ses acheteurs de pétrole.
A l’issue d’une réunion de crise des Etats parties à l’accord, vendredi à Vienne, l’Iran avait jugé que des « progrès », avaient été réalisés pour l’aider, mais que cela n’était « toujours pas suffisant ».
A la fin de la rencontre, l’Union européenne avait annoncé qu’Instex, mécanisme de troc conçu par Berlin, Londres et Paris pour aider l’Iran à contourner les sanctions, était enfin « opérationnel ».
M. Zarif a néanmoins estimé lundi qu’Instex ne répondait ni « aux exigences » de Téhéran, « ni aux obligations » incombant aux Européens.