Ignorant les avertissements de ses ennemis et de ses partenaires, l’Irana déclaré mercredi qu’il mettrait à exécution dès dimanche sa menace d’enrichir l’uranium à un degré prohibé par l’accord international sur son programme nucléaire.
La mesure a été annoncée par le président Hassan Rohani, qui a de nouveau accusé les Etats-Unis, l’Europe, la Chine et la Russie d’être responsables de l’impasse actuelle où se trouve l’accord conclu à Vienne en 2015.
L’annonce de Téhéran survient sur fond de tensions exacerbées entre l’Iran et Washington, faisant craindre un embrasement dans la région du Golfe.
La France a averti l’Iran que Téhéran ne gagnerait rien « en sortant de l’accord de Vienne » dont la « remise en cause ne ferait qu’accroître des tensions déjà vives » au Moyen-Orient.
Mais M. Rohani assure que l’Iran est attaché au maintien de cet accord et que la décision iranienne est prise en vertu de dispositions permettant à une partie de s’affranchir temporairement de certains de ses engagements si elle estime qu’une autre ne tient pas les siens.
Par l’accord de Vienne, l’Iran s’est engagé à ne jamais acquérir l’arme atomique et à brider son programme nucléaire en échange de la levée d’une partie des sanctions internationales qui asphyxiaient alors son économie.
Mais ce pacte est menacé depuis que les Etats-Unis s’en sont retirés unilatéralement en mai 2018, réimposant des sanctions punitives contre la République islamique qui privent l’Iran des bénéfices qu’il attendait de ce pacte.
Le 8 mai, un an jour pour jour après le retrait américain, Téhéran –lassé des promesses non tenues des autres parties encore à l’accord (Allemagne, Chine, France, Grand-Bretagne, Russie) de garantir ses intérêts– a annoncé qu’il ne se sentait plus tenu de respecter les plafonds de l’accord limitant ses réserves d’eau lourde à 1,3 tonne, et ses stocks d’uranium faiblement enrichi à 300 kg.
L’Iran avait aussi adressé un ultimatum à ses partenaires leur donnant « 60 jours » pour l’aider à contourner les sanctions américaines, qui ont fait plonger le pays en récession.
Estimant n’avoir vu aucun progrès, M. Rohani a annoncé mercredi que son pays commencerait à mettre en oeuvre dès dimanche la deuxième phase de son « plan de réduction » de ses engagements, réversible à tout moment, selon l’Iran, si les autres partenaires répondent à ses demandes.
Téhéran mettra « de côté » son engagement consistant à ne pas enrichir de l’uranium a un degré supérieur à 3,67 %, dès le « 7 juillet », a-t-il dit
« Autant que nous le voudrons, autant que nécessaire, autant que nos besoins l’imposent, nous (enrichirons) au-dessus de 3,67 % », a déclaré M. Rohani, laissant planer le suspense sur les mesures que l’Iran compte mettre en oeuvre techniquement.
Il a également prévenu qu’à partir de dimanche, l’Iran pourrait reprendre son projet de réacteur à eau lourde à Arak (centre) qui pourrait à terme « produire du plutonium », à moins que « vous (les autres parties de l’accord, ndlr) ne teniez tous vos engagements. »
« Nous resterons tenus par (l’accord de Vienne) tant que les autres parties y resteront tenues. Nous appliquerons 100 % (de l’accord) le jour où les autres parties agiront à 100 % » selon ses termes, a ajouté M. Rohani.
Lundi, les réserves iraniennes d’uranium faiblement enrichi ont dépassé le plafond de 300 kg. Le président américain Donald Trump a réagi le jour même en accusant Téhéran de jouer « avec le feu ».
La Maison Blanche a assuré que « les Etats-Unis et leurs alliés ne permettront jamais à l’Iran de développer des armes nucléaires », ce dont Téhéran s’est toujours défendu, a promis la Maison Blanche. Washington a aussi réaffirmé sa volonté de poursuivre sa campagne de « pression maximale » sur Téhéran, « tant que ses dirigeants ne changent pas leur façon de faire ».
« Extrêmement inquiets » par le dépassement des stocks d’uranium enrichi iraniens, Berlin, Londres, Paris et l’UE ont appelé mardi Téhéran « à revenir sur sa décision et à s’abstenir de prendre de nouvelles mesures qui affaibliraient » l’accord.
« Notre engagement vis-à-vis de l’accord sur le nucléaire (dépend) du respect total par l’Iran » de ses engagements, ont prévenu les Européens.
Déplorant l’attitude de l’Iran sur ses stocks d’uranium, Pékin a de son côté appelé « toutes les parties (à la) retenue ».
Moscou aussi a appelé l’Iran « à la retenue, à ne pas céder à l’émotion et à respecter les dispositions essentielles de l’accord ».
M. Rohani a par ailleurs exprimé la déception de l’Iran face au mécanisme de troc mis sur pied par les Européens pour permettre à Téhéran de commercer en contournant les sanctions américaines.
Pour l’instant, « c’est vide », a-t-il dit, « cela ne nous sert à rien. »