L’ambassadeur de l’Union européenne à Tunis a mis en garde dans une déclaration au journal Le Monde contre l’immobilisme économique en Tunisie qui pourrait désarmer le pays face à un environnement régional instable. Il a mis en avant l’opportunité qu’offrait à la Tunisie l’accord de libre-échange avec l’UE.
Dans un entretien accordé au quotidien Le Monde, Patrice Bergamini, ambassadeur de l’Union européenne à Tunis, a évoqué la nécessité d’une transition économique en Tunisie qui permettrait à ce pays de mieux «se protéger de la détérioration de l’environnement régional».
Le diplomate a indiqué que ce qui inquiétait en Tunisie était le refus du système politique d’évoluer économiquement. À cet effet, M.Bergamini a affirmé que «quel que soit le résultat des élections [législatives du 6 octobre prochain, ndlr], il va falloir qu’en 2020 quelqu’un soit vraiment en charge à la Kasbah [siège du gouvernement tunisien, ndlr], fixe des priorités stratégiques et économiques claires, et dispose pour les mettre en œuvre d’une majorité stable et solide». «Cela n’a malheureusement pas été le cas ces trois dernières années, ce qui explique que la Tunisie est aujourd’hui moins équipée socialement et économiquement qu’elle devrait l’être pour se protéger des turbulences en Libye ou demain peut-être en Algérie», a-t-il expliqué.
Selon l’ambassadeur de l’UE à Tunis, quelle que soit la direction politique qui sortira des urnes en 2020, la situation économique et sociale du pays qu’elle affrontera sera plus compliquée qu’en 2014 ou en 2016, et avec une marge de manœuvre restreinte en moyens et en temps.«Quelles que soient leurs obédiences politiques, les vainqueurs des prochaines élections législatives et présidentielle seront placés face à un choix: soit ils comprennent qu’il faut faire évoluer un modèle économique faisant la part trop belle aux positions monopolistiques [de certaines familles tunisiennes, ndlr], soit ils ne le comprennent pas et dans ce dernier cas, oui, il y aura une inquiétude», a-t-il affirmé.
La main tendue de l’UE à la Tunisie…
Pour Patrice Bergamini, la situation économique et sociale de la Tunisie risquerait de s’aggraver si la situation sécuritaire en Libye venait à se compliquer et à durer dans le temps. «Si la Libye entre dans un conflit long, larvé ou pas, sanglant ou pas, alors qu’elle était le débouché économique de la Tunisie –emplois, échanges commerciaux– pendant des années, alors les Tunisiens devront trouver ailleurs la création et l’importation de richesses», a-t-il soutenu.
Dans ce contexte, le diplomate européen a rappelé que l’UE avait proposé un Accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) à la Tunisie qui constitue, selon lui, une excellente opportunité. Il a par ailleurs regretté que cet accord, en négociation depuis plus de quatre ans, soit sévèrement attaqué par une certaine classe politique «sur des arguments infondés, mal renseignés ou de mauvaise foi». «En campagne électorale, l’Aleca fait facilement office de bouc émissaire. On crie au loup, au libre-échange, au néocolonialisme», a-t-il dénoncé.
«Il s’agit d’un accord malheureusement mal nommé. Plutôt que de libre-échange, il faudrait parler d’accord d’arrimage économique, d’intégration économique», a-t-il suggéré, précisant que «l’objectif est d’aider au soutien de la croissance, au développement de l’emploi, à la mise à niveau de l’économie tunisienne».
Dans un entretien accordé au site d’information Mediapart, Mustapha Jouili, économiste tunisien, avait qualifié de «colonialiste» l’Accord de libre-échange complet et approfondi que l’Union européenne et la Tunisie s’apprêtent à signer. Pour lui, rien qu’à voir les dispositions de cet accord en matière de propriété intellectuelle, d’investissement et de législation, il est possible de s’en convaincre.