Les projets ambitieux du nouveau premier minitre grec

Le nouveau Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, souhaite baisser les impôts, après des années d’austérité et de hausse des taxes. Une ambition qui ne peut fonctionner que si tous les acteurs – entreprises, particuliers et UE – jouent le jeu.

Haro sur les impôts. Le nouveau Premier ministre conservateur grec, Kyriakos Mitsotakis, veut faire de la baisse du fardeau fiscal la priorité de son gouvernement, qui est entré en fonction mardi 9 juillet.

Il l’avait martelé durant toute la campagne pour les élections législatives et l’a encore répété lors du discours qu’il a tenu après la victoire de son parti, Nouvelle Démocratie, sur Syriza, la formation de gauche radicale du Premier ministre sortant, Alexis Tsipras.

Classe moyenne qui trinque

Une idée fixe qui se comprend politiquement. Le précédent gouvernement avait eu la main fiscale très lourde afin d’augmenter les revenus de l’État. Cette politique avait permis au pays de rester dans les clous budgétaires fixés par la Commission européenne, qui maintient Athènes sous surveillance pour éviter tout nouveau dérapage des déficits. Mais elle “avait décimé la classe moyenne grecque”, rappelle le New York Times. L’accumulation des taxes – impôts sur le revenu, cotisations sociales, TVA, etc. – “pouvait ponctionner jusqu’à 60 % du revenu disponible des ménages”, précise le grand quotidien conservateur d’Athènes Ekatherimi.

Le plan de Kyriakos Mitsotakis pour attirer cette classe moyenne, qui reproche à Alexis Tsipras d’avoir joué les bons petits soldats de Bruxelles, est ambitieux. Les salariés soumis actuellement à un taux d’imposition de 22 % n’auraient plus qu’à payer 9 % de leurs revenus au fisc si Kyriakos Mitsotakis applique ses promesses de campagne. Le nouveau Premier ministre s’est aussi engagé à baisser la TVA et la taxe sur l’immobilier, ainsi qu’à ramener l’impôt sur les sociétés à 20 % (contre 28 % actuellement).

Un pari électoralement séduisant, mais économiquement risqué. La Grèce n’en a pas fini avec sa dette, qui représente encore près de 180 % de son PIB. Réduire les rentrées fiscales avec des baisses d’impôts ne va pas aider Kyriakos Mitsotakis à éponger son ardoise. Pourtant, “le moment pourrait être opportun pour ce genre de politique”, estime Paolo Pizzolo, analyste pour la banque néerlandaise ING en charge de la Grèce, contacté par France 24.

Récolter les fruits du travail d’Alexis Tsipras

Cet expert estime que le nouveau gouvernement peut tenter de profiter du chemin déjà parcouru par Syriza pour redresser les comptes. “La reprise, même si elle reste très modeste, est là, et la confiance des investisseurs est aussi à la hausse, ce qui peut créer un climat propice à une politique de relance”, explique Paolo Pizzolo.

La logique est la suivante : le taux de croissance actuel, aux alentours de 2 %, ne suffit pas à résorber le taux de chômage grec qui, à 18 % de la population active, reste l’un des plus élevés d’Europe. Le nouveau Premier ministre espère qu’en baissant les impôts, “les entreprises pourront de nouveau investir, et les ménages pourront davantage consommer, entraînant des créations d’emploi et un regain d’activité”, analyse le banquier d’ING. L’objectif serait d’atteindre au plus vite un taux de croissance de 4 % qui permettrait de faire baisser sensiblement le chômage. Le gouvernement pourrait ainsi espérer atténuer la baisse des rentrées fiscales grâce au retour à l’emploi de salariés qui, faute de revenus suffisant, ne payaient aucun impôt lorsqu’ils étaient au chômage.

Mais ce scénario idéal ne fonctionne que si tout le monde joue le jeu. Les entreprises pourraient choisir de transformer les baisses d’impôt en profits plutôt que d’investir ou de créer des emplois, tandis que les ménages, rincés par des années d’austérité, ont toujours la possibilité d’épargner au lieu de consommer. Surtout, il faut que l’Union européenne (UE) laisse faire.

La fermeté de Bruxelles

À l’issue du troisième plan de sauvetage international, en août 2018, Athènes s’était engagé auprès de ses créanciers (FMI, Banque centrale européenne et Union européenne) à maintenir un excédent budgétaire (hors remboursement de la dette) de 3,5 % du PIB jusqu’en 2022. Jusqu’à présent, Bruxelles s’est montré intraitable, comme Alexis Tsipras a pu le constater peu avant les élections européennes. En mai 2019, le Premier ministre sortant a écopé d’une mise en garde après avoir proposé de réduire les impôts et d’augmenter les dépenses sociales, ce qui aurait rendu impossible de satisfaire les exigences budgétaires européennes.

Kyriakos Mitsotakis, l’ex-banquier à la cravate toujours impeccable, bénéficiera-t-il d’une plus grande clémence de la part de l’UE ? Pas sûr : lundi, Bruxelles a déjà rappelé au nouveau gouvernement grec que son programme économique devait “respecter les engagements budgétaires pris” par Alexis Tsipras.

“Dans ce contexte, le nouveau Premier ministre ne devrait pas baisser les impôts avant 2020 et va profiter du reste de l’année en cours pour tenter de trouver un compromis avec Bruxelles”, anticipe Paolo Pizzolo. À ses yeux, la seule chance de convaincre l’UE est “de s’engager à accélérer le rythme des réformes en Grèce, comme celle du marché du travail, ou à procéder à davantage de privatisations”. Le risque étant qu’à trop promettre de “contrôler les coûts”, le gouvernement retombe dans une politique d’austérité qui saperait tous les effets bénéfiques potentiels d’une baisse des impôts.

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