Mohammad al-Naïmi « ne manquait de rien » durant son exil en Allemagne, mais il a décidé de retourner en Syrie déchirée par la guerre pour combattre de nouveau le régime du président Bachar al-Assad.
Mitraillette au poing, le jeune homme de 23 ans traverse un champ aride dans le nord-ouest de la Syrie où il a rejoint le groupe rebelle Jaich al-Ezza.
« Je suis revenu pour me consacrer (à la défense) de mon pays », affirme-t-il, vêtu d’un t-shirt noir et d’un pantalon de treillis beige.
Coiffé d’une casquette portant le nom du groupe rebelle, il s’adonne à des pompes, comptant chacune haut et fort, à l’unisson avec d’autres nouvelles recrues.
Désormais, « je resterai sur les lignes de front », « le meilleur endroit où vivre », selon lui.
M. Naïmi était encore au lycée dans sa province de Qouneitra (sud) lorsque des manifestations pacifiques prodémocratie ont éclaté en 2011.
Après la répression brutale du soulèvement populaire qui s’est progressivement mué en conflit armé, le jeune adolescent décide de rejoindre les rangs de la rébellion qui parvient à s’emparer de plusieurs secteurs de la province de Qouneitra.
Mais craignant une reconquête de sa région par le régime, il décide en 2015 d’aller retrouver ses deux frères arrivés un an plus tôt en Allemagne, explique-t-il à l’AFP.
Il traverse alors avec des amis le désert syrien pour se rendre à la frontière turque, avant de prendre le large jusqu’en Grèce puis d’arriver en Allemagne.
« Une vie ordinaire »
« J’habitais à Berlin, j’étudiais » l’allemand, raconte-t-il à l’AFP. « J’avais une vie ordinaire. J’avais des droits et une allocation mensuelle. Je ne manquais de rien ».
« Mais je n’étais pas heureux et mon pays me manquait en permanence », poursuit le jeune homme.
Depuis son départ, la cartographie de la guerre en Syrie a largement changé.
Les forces du régime ont enchaîné les victoires et repris de larges étendues du pays, grâce notamment à l’intervention militaire de la Russie à partir de septembre 2015.
L’an dernier, la province de Qouneitra a également été reprise par le régime.
Et depuis fin avril, le régime bombarde intensément avec son allié russe la région d’Idleb, l’une des dernières à échapper à son contrôle.
Les raids aériens et les tirs d’artillerie ont déjà tué plus de 600 civils dans cette région dominée par le groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS), l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, et où vivent trois millions de personnes.
Quelque 330.000 personnes ont fui les combats, d’après l’ONU qui craint une catastrophe humanitaire.
M. Naïmi explique que « la campagne féroce du régime sur Idleb » et la reconquête de Qouneitra ont été les catalyseurs de son retour en Syrie.
« Mes parents se sont opposés à ma décision et ont essayé de m’en dissuader mais j’ai insisté », raconte le jeune homme, qui n’a aucun proche dans la région d’Idleb.
Arrivé le mois dernier dans le secteur, il a décidé de rejoindre Jaich al-Ezza, un groupe anciennement soutenu par les Etats-Unis et actif dans certaines parties de la province d’Idleb et dans le nord de la province voisine de Hama.
« Je ne regrette pas »
Son séjour a démarré avec un mois d’entraînement intensif près du poste-frontière de Bab al-Hawa avec la Turquie.
Réveil très matinal, sauts à travers des pneus enflammés ou par-dessus des blocs de ciment, parcours de tranchées… Outre la formation physique, M. Naïmi a aussi assisté à des cours de religion et d’éthique.
Son unité porte le nom d’Abdel-Basset al-Sarout, une ancienne star du football syrien devenu combattant rebelle et décédé le mois dernier dans des affrontements avec les forces du régime.
Elle regroupe essentiellement des jeunes ayant décidé de rejoindre la rébellion en raison de l’escalade militaire dans la région d’Idleb, indique à l’AFP Moustafa Bakour, un commandant local.
« Chacun de ces hommes a une histoire », ajoute-t-il, dans le camp d’entraînement.
Pour M. Naïmi, la formation désormais terminée, la « partie difficile » est derrière lui.
Le jeune rebelle affirme n’avoir aucun regret. « Je ne suis pas revenu pour l’argent. Si l’argent était mon objectif, je serais resté en Allemagne ».
« J’ai aimé l’Allemagne et l’ai considérée comme ma patrie, mais rien ne vaut mon pays la Syrie », lâche-t-il.