L’exercice militaire aérien Chine-Russie, un message aux Etats-Unis

La patrouille inédite de quatre avions militaires chinois et russes menée au large de la Corée du Sud et du Japon représente « un fait nouveau majeur », destiné à contrer l’influence des Etats-Unis en Asie, estiment des analystes.

L’exercice conjoint aérien a entraîné les protestations de Séoul et Tokyo – les deux alliés de Washington dans la région — qui ont déclaré qu’un des deux appareils russes avait violé leur espace aérien.

Mardi, des chasseurs sud-coréens ont tiré près de 400 coups de semonce après la violation supposée par l’avion d’un bout d’espace aérien près des îles Dokdo – contrôlées par la Corée du Sud mais revendiquées par le Japon sous le nom de Takeshima.

Tokyo a déclaré avoir également fait décoller ses avions de chasse en réaction, et s’être plaint auprès de Moscou.

« C’est important parce que cela montre que les forces aériennes des deux pays ont suffisamment confiance en elles pour coordonner une patrouille de cette nature, d’une façon que les pays de la région vont certainement trouver déstabilisatrice », déclare à l’AFP Lyle Morris, analyste au centre de recherche américain Rand Corporation.

La Chine et la Russie entretiennent des liens de plus en plus étroits et ont déjà mené un certain nombre d’exercices militaires conjoints.

Mais cette patrouille aérienne commune revêt une signification politique particulière, car elle a été réalisée à proximité d’îles contestées, qui sont sources de friction diplomatique entre le Japon et la Corée du Sud.

Ahn Chan-il, un transfuge nord-coréen devenu chercheur à Séoul, estime que la violation de l’espace aérien était « délibérée ».

« La Chine et la Russie cherchent à faire contrepoids à Washington sur le dossier du nucléaire nord-coréen », déclare-t-il à l’AFP. « (Ils) causent des problèmes afin de gagner en prédominance dans la région, en provoquant deux importants alliés de Washington. »

Moscou et Pékin ont déclaré que leur patrouille commune ne visait aucune tierce partie et n’a violé l’espace aérien d’aucun pays.

Mais selon des analystes, cette audacieuse opération était parfaitement calculée en visant simultanément deux pays diplomatiquement proches des Etats-Unis.

Adam Ni, chercheur sur la Chine à l’Université Macquarie de Sydney, relève que les bombardiers impliqués — deux H-6K chinois et deux Tu-95 russes — ont chacun une capacité nucléaire.

« Cela envoie un message supplémentaire » qui représente un « développement assez massif en termes de sécurité régionale », selon lui.

« Un défi aux Etats-Unis »

Le commerce bilatéral entre la Chine et la Russie a augmenté de 25% en 2018 pour atteindre le chiffre record de 108 milliards de dollars (97 milliards d’euros). Lors d’une réunion en juin, le président chinois Xi Jinping a qualifié son homologue russe Vladimir Poutine de « meilleur ami ».

Mais de l’avis de plusieurs analystes, cette coopération va bien au-delà du domaine économique et vise un partenariat plus large pour bouleverser le statu quo.

« C’est aussi le signe que la coopération entre la Russie et la Chine a atteint une maturité suffisante pour mener des patrouilles conjointes », observe J. Michael Cole, chercheur au Global Taiwan Institute à Washington, mais qui vit à Taïwan.

« De mon point de vue, cela constitue un défi direct au système d’alliances des Etats-Unis en Asie-Pacifique ».

Ces patrouilles conjointes sont intervenues la veille de la publication par la Chine d’un livre blanc de la Défense présentant ses ambitions dans le domaine militaire.

L’Armée populaire de libération (APL), la plus importante au monde avec deux millions de soldats, prévoit de renforcer son arsenal technologique de pointe.

Lors d’une conférence de presse, un porte-parole du ministère chinois de la Défense, Wu Qian, n’a pas exclu l’organisation d’autres patrouilles conjointes sino-russes à l’avenir, et souligné que les deux armées comptaient développer leurs relations à « de nouvelles hauteurs historiques ».

Mais la coopération entre les deux pays n’est pas nécessairement facile.

La Chine et la Russie « d’une certaine manière ne se font pas toujours confiance », relève M. Ni. Mais elles ont « un défi commun en matière de sécurité avec les Etats-Unis ».

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