Pour Paris comme pour Cotonou, le retour de 26 objets du patrimoine béninois pillés lors du sac des Palais des rois d’Abomey par des troupes coloniales françaises en 1892 a une forte portée symbolique et politique. Mais chacun défend son calendrier et ses intérêts, souligne l’AFP.
Début juillet, le ministre français de la Culture, Franck Riester, a annoncé fièrement le retour «rapide» de ces objets sacrés du royaume du Dahomey, l’ancien Bénin.
Sans attendre l’adoption d’une loi qui doit entériner formellement cette restitution, il insiste: ces totems et autres sceptres royaux, si attendus en Afrique, «doivent pouvoir être vus, admirés et étudiés au Bénin».
Côté béninois, on temporise. «A la proposition française, notre réponse c’est patience, gardez-les encore un petit peu le temps que nous soyions vraiment prêts», déclare José Pliya, directeur de l’Agence nationale de promotion des Patrimoines et du Tourisme (ANPT) béninoise.
Déjà, rappelle-t-il, en novembre dernier, «le Président Macron a pris un peu tout le monde de court en annonçant cette restitution sans délai de 26 objets». Le Bénin avait toutefois salué «le courage» de la France et ce pas historique.
«On prend le cadeau et on salue le geste», réaffirme M. Pliya dans un entretien avec l’AFP. Mais «ce retour est tellement fort, on veut vraiment bien faire les choses.»
Le pays, qui a inscrit le tourisme comme l’un de ses principaux piliers de développement économique, veut accueillir les oeuvres dans des conditions optimales. L’Unesco vient tout juste de donner son feu vert à la construction d’un nouveau musée dans l’enceinte des palais d’Abomey, ancienne capitale du Dahomey.
«Les travaux vont commencer au quatrième trimestre de cette année et la durée des travaux sera de deux ans. Donc pour nous, le retour de ces objets (est prévu) pour l’inauguration de ce musée à l’automne 2021», explique le directeur de l’ANPT.
Soucieux «d’ouvrir une nouvelle page» dans l’histoire tumultueuse entre la France et l’Afrique, Emmanuel Macron ne cache pas son impatience de montrer des signes tangibles de ce renouveau.
«Patrice Talon [le président béninois, NDLR] a déjà gagné en ayant obtenu l’accord de la France», assure un acteur des négociations. Mais «pour Emmanuel Macron, il faut vraiment avoir quelque chose d’ici un an.»
Car dans moins d’un an, en mai 2020, doit débuter «Africa 2020», la Saison des cultures africaines en France, un grand événement annoncé par le Président français lors de son discours de Ouagadougou en juillet 2018.
Quoi rêver de mieux qu’un retour symbolique d’objets d’art tant disputés, dans une ancienne colonie ?
«Changer l’image que la France a de l’Afrique et que l’Afrique a de la France… un sacré défi», a déclaré au journal Le Monde N’Goné Fall, architecte sénégalaise chargé de l’organisation de l’événement.