La bataille juridique inédite entre le souverain de Dubaï et son épouse jordanienne peut créer de la rancœur entre les Émirats arabes unis et la couronne hachémite, mais elle pèse peu par rapport aux intérêts économiques et stratégiques entre Amman et Abou Dhabi, estiment des spécialistes.
La princesse jordanienne Haya, épouse depuis 2004 de l’émir de Dubaï Mohammed ben Rached al-Maktoum, a fait sensation en réclamant mardi devant la justice britannique une mesure de protection contre un mariage forcé » qui pourrait concerner un des enfants du couple ».
La princesse de 45 ans, qui a quitté Dubaï à une date indéterminée, a également demandé une mesure de protection contre des brutalités et réclamé la tutelle de ses enfants, une fille de 11 ans et un garçon de 7 ans, jetant une lumière crue sur les affaires privées de l’émirat.
Pour sa part, son époux, âgé de 70 ans, a réclamé le retour de ses enfants aux Emirats.
L’audience devant le tribunal de Londres a été passée sous silence par les médias officiels des Emirats.
Mais les images de la princesse Haya devant le tribunal ont provoqué de nombreux commentaires acerbes sur les réseaux sociaux.
Abdel Khaleq Abdallah, écrivain et professeur émirati de sciences politiques, a critiqué la princesse jordanienne, dans un tweet devenu viral.
« Une princesse sage et respectueuse (…) ne fuit pas, ne disparaît pas et ne répond pas au bien par l’ingratitude », a-t-il notamment écrit.
Pour autant, l’affaire ne devrait pas avoir de lourdes répercussions sur les relations entre les Emirats et la Jordanie.
Quatre jours avant l’audience du tribunal londonien, le roi Abdallah II de Jordanie, demi-frère de la princesse Haya, était reçu avec les honneurs à Abou Dhabi, le chef de file de la fédération des Emirats arabes unis.
L’occasion de souligner, à l’unisson avec l’homme fort des Emirats cheikh Mohammed ben Zayed, la solidité des liens entre les deux pays.
« Je me suis senti parmi les miens », a écrit sur Twitter le souverain jordanien à propos de cette visite, en souhaitant le maintien des liens entre les deux pays et les deux peuples frères ».
« L’affaire affecte principalement les liens entre Dubaï et la famille royale hachémite », estime Andreas Kreig, professeur au King’s College de Londres.
« Je pense qu’il s’agit d’une affaire de famille qui concerne les Al-Maktoum et les Hachémites. Ses effets sur les relations entre les deux pays seront limités », insiste-t-il.
Hussein Ibish de l’Arab Gulf States Institute à Washington va dans le même sens, excluant que la dispute puisse poser « un véritable problème politique ou diplomatique entre les deux pays ».
Au plan économique, la Jordanie est sous la pression du flux des réfugiés syriens, dont 630 000 sont enregistrés auprès des agences des Nations unies mais dont le nombre atteint, selon les autorités d’Amman, les 1,4 million.
Les Emirats, avec l’Arabie saoudite et le Koweït, ont annoncé en 2018 une aide de 2,5 milliards de dollars en faveur de la Jordanie.
A eux seuls, les Emirats accueillent entre 250 000 à 300 000 Jordaniens dont les transferts sont une contribution importante à l’économie de leur pays.