Les démocrates américains affichent leurs divisions

Deux soirées, plus de quatre heures de discussion, vingt candidats… L’électeur démocrate a du mérite s’il n’a pas décroché avant la fin.

À l’issue de ce marathon cathodique, il a de quoi être épuisé et passablement dérouté. Face à lui, une brochette de candidats quasi inconnus, dont certains ne dépassent pas les 1 % dans les sondages : une sémillante ex-soldate d’Hawaï, un fils d’immigrés taiwanais accro aux mathématiques, une croisée de la finance mondiale ou encore un apôtre de la lutte contre le réchauffement climatique. Sur le papier, tous semblent plus présentiels que l’actuel occupant de la Maison-Blanche, Donald Trump.

Comme dans une émission de télé-réalité, la deuxième joute télévisée, qui s’est tenue mardi sur CNN, avait des airs de débat de la dernière chance. Les critères de sélection du prochain événement, en septembre, sont en effet beaucoup plus stricts et devraient permettre d’élaguer sérieusement le groupe de prétendants, mais peut-être pas d’éclairer leurs positions. En effet, dans l’ensemble, ils sont à peu près d’accord sur le fond : il est nécessaire d’offrir une assurance santé universelle, de restreindre le port d’arme, de combattre les gaz à effet de serre, de réformer l’immigration… Les plus grosses différences ont sans doute porté sur le système de santé, mais cela a donné lieu à un étalage de mesures plus complexes les unes que les autres.

Si certains espéraient voir émerger un chef de file capable de battre clairement Donald Trump, c’est raté  ! Un constat valable pour le leader dans les sondages, Joe Biden. Le vice-président de Barack Obama, qui avait manqué son premier débat en juin, est certes apparu plus dynamique, mais il a fait l’objet d’attaques tous azimuts de la part de ses adversaires. Au point de devenir le punching-ball de ce second débat. On l’a critiqué pour ses positions sur la justice, le commerce et sur son soutien à la politique de déportation des immigrés d’Obama. S’il a tenu le choc, il a paru par moments hésitant, mal préparé à certaines critiques et finalement peu inspirant et vulnérable. Il s’est emmêlé les pinceaux dans sa déclaration finale mettant en garde contre « huit ans de plus » de Donald Trump et a montré son âge en mélangeant texto et site internet.

Elizabeth Warren, la sénatrice du Massachusetts, est sans doute celle qui s’est le mieux sortie de l’exercice, défendant avec maestria et passion des positions très à gauche. Une autre candidate a fait une prestation très remarquée : Marianne Williamson. À 67 ans, ce véritable guide spirituel a publié une douzaine de livres de développement personnel à grand succès, dont l’un au titre sans équivoque : Une politique d’amour : un manuel pour une nouvelle révolution américaine. Sur un ton exalté digne d’une émission évangéliste, scandant par d’étranges mouvements de bras les « sombres forces psychiques » en politique, elle a lancé l’idée de distribuer 200 à 500 milliards de dollars de réparations aux descendants des esclaves.

Reste que ces deux débats ont mis en évidence les scissions idéologiques au sein du Parti démocrate entre modérés et progressistes. Les candidats modérés ont attaqué notamment Elizabeth Warren et Bernie Sanders, les accusant d’avoir des politiques de « conte de fées », des « promesses impossibles », une mentalité « on rase gratis » qui risquent de coûter la victoire finale. Les deux chefs de file de la gauche ont rétorqué que leurs idées ambitieuses allaient, au contraire, mobiliser les électeurs et créer « de l’énergie et de l’excitation ». Elizabeth Warren a lancé l’une des phrases les plus mémorables de la première soirée : « Je ne comprends pas pourquoi un individu ferait l’effort de briguer la présidence juste pour évoquer les choses impossibles à réaliser et pour lesquelles il ne sert à rien de se battre. » Un choix cornélien s’offre aux électeurs démocrates : doit-on voter pour un candidat qui promet des changements radicaux irréalisables, au risque d’effaroucher l’électorat centriste, ou vaut-il mieux se rabattre sur un réaliste, partisan de réformes graduelles qui puisse battre Donald Trump, au risque de décevoir les jeunes et les minorités qui bouderont les urnes  ? Mais, pour avoir une réponse, il faudra attendre les dix prochains débats démocrates…