La cheffe de l’exécutif de Hong Kong a exclu vendredi toute concession aux manifestants prodémocratie, tout en mettant en garde contre une grave crise économique engendrée par le mouvement de protestation, qui a atteint l’aéroport de la mégapole.
« En ce qui concerne une solution politique, je ne crois pas que nous devrions faire des concessions dans le but de faire taire les manifestants auteurs de violences », a déclaré Carrie Lam lors d’une conférence de presse surprise, deux mois jour pour jour après le début de la mobilisation.
Le territoire du sud de la Chine et « hub » financier international connaît sa plus grave crise politique depuis sa rétrocession par Londres en 1997, avec des manifestations et des actions presque quotidiennes qui ont souvent dégénéré en violences entre activistes radicaux et forces de l’ordre. Plusieurs défilés sont encore prévus samedi et dimanche.
Après une réunion avec les milieux d’affaires, la dirigeante hongkongaise a averti que l’impact économique pourrait être pire que celui de l’épidémie du SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003. « Le ralentissement est intervenu très rapidement cette fois. Certains l’ont comparé à un tsunami ».
« La reprise économique prendra très longtemps », a-t-elle assuré, en écho aux inquiétudes du privé, en particulier du secteur touristique.
La compagnie hongkongaise Cathay Pacific a annoncé une chute des réservations, et les agences de voyage ont rapporté des baisses allant jusqu’à 50% pour les visites de groupe.
Plusieurs pays ont mis en garde leurs ressortissants en partance pour Hong Kong, en particulier Washington qui a exhorté cette semaine ses citoyens à « faire preuve d’une prudence accrue ».
Carrie Lam, dont les protestataires réclament la démission, a reçu dans cette crise un soutien total de Pékin, qui a musclé son discours et intensifié ses menaces à l’égard des manifestants.
L’administration chinoise de l’aviation civile a demandé vendredi à Cathay Pacifique d’empêcher les membres du personnel qui ont soutenu les manifestations de travailler sur les vols traversant l’espace aérien chinois ou à destination de la Chine continentale.
Le régulateur aérien chinois a aussi ordonné à la compagnie hongkongaise de fournir des informations sur l’identité du personnel devant travailler sur les vols à destination de la Chine continentale à partir de dimanche, soulignant que les vols non approuvés ne seraient pas autorisés.
– « Posez-moi des questions! » –
Ces menaces et l’arrestation de centaines de personnes n’ont pas éteint la mobilisation. Vendredi, des milliers de manifestants ont lancé un sit-in à l’aéroport international – l’un des plus fréquentés au monde – pour sensibiliser les visiteurs étrangers à leur cause.
« Pas d’émeutiers, que de la tyrannie », scandaient les manifestants, dont certains portaient des masques et des casques de chantier. Leur action, non autorisée, est censée se poursuivre samedi et dimanche.
Pour la plupart vêtus de noir, leur couleur emblématique, ils se sont assis sur le sol, dans le hall des arrivées, brandissant des pancartes condamnant en chinois et en anglais les violences policières.
« Sauvez Hong Kong de la tyrannie et de la brutalité policière! » pouvait-on lire sur l’une d’elles.
De nombreux manifestants avaient sur la manche un prospectus indiquant en plusieurs langues: « Posez-moi des questions sur Hong Kong! »
« Nous voulons dire aux passagers ce qui se passe à Hong Kong », a expliqué Charlotte Au, une étudiante de 16 ans.
Née du rejet d’un projet de loi controversé de l’exécutif hongkongais pro-Pékin qui voulait autoriser les extraditions vers la Chine, la mobilisation a depuis considérablement élargi ses revendications, avec en ligne de mire le pouvoir central chinois.
Les manifestants demandent ainsi l’élection d’un successeur de Carrie Lam au suffrage universel direct, et non sa désignation par Pékin, comme c’est le cas actuellement.
Ils exigent aussi une enquête sur les violences dont ils accusent la police et l’abandon pur et simple du projet de loi controversé, officiellement suspendu.
Les passagers débouchant dans le hall des arrivées étaient pour la plupart surpris, certains s’arrêtant pour prendre en photo cette inhabituelle marée noire humaine.
Clara Boudehen, en provenance de France, s’est dite « très impressionnée » par le sit-in. « Voir la population se battre pour la démocratie est très important », a-t-elle affirmé à l’AFP.
Vendredi soir, des manifestants se sont rassemblés dans le quartier de Wong Tai Sin, où la police avait tiré cette semaine des gaz lacrymogènes. Une centaine de protestataires ont brûlé des imitations de billets de banque avec une effigie caricaturant Carrie Lam.