Alors que la coalition entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles a volé en éclats la semaine dernière, le Sénat italien se penche ce lundi 12 août sur la définition d’une date pour l’examen de la motion de censure déposée par le parti de Matteo Salvini.
Le ministre de l’Intérieur entend ainsi provoquer des élections anticipées afin de surfer sur la popularité de son parti dans les sondages.
Les sénateurs italiens doivent prendre une première décision ce lundi 12 août sur l’avenir du gouvernement de Giuseppe Conte, à l’agonie depuis que le chef de la Ligue (extrême droite) Matteo Salvini a décrété sa mise à mort jeudi et réclamé des élections à l’automne.
Les chefs des groupes parlementaires au Sénat se réuniront à compter de 16 h. Ils doivent décider d’une date pour l’examen de la motion de censure déposée par la Ligue. Selon le système italien, le vote contre Giuseppe Conte doit avoir lieu dans cette instance car il y avait obtenu la confiance du Parlement, à l’avènement de l’hétéroclite gouvernement Ligue-Mouvement 5 étoiles (M5S), il y a 14 mois. Matteo Salvini et le chef de file du M5S, Luigi Di Maio, ont aussi convoqué leurs élus à Rome dans la journée.
Matteo Salvini veut des élections anticipées
Objectif de Matteo Salvini : faire chuter l’exécutif au plus tard le 20 août et provoquer des élections fin octobre pour capitaliser sur des sondages le donnant à 36 %/38 % d’intentions de vote, une proportion inverse du printemps 2018 quand le M5S avait dominé le scrutin (plus de 32 % contre 18 % pour la Ligue).
Dans une interview ce lundi au Giornale (droite), Matteo Salvini renonce à faire cavalier seul en cas de scrutin anticipé et annonce qu’il verra « dans les prochaines heures (Silvio) Berlusconi et (la cheffe du parti d’ultra-droite Frères d’Italie, Giorgia) Meloni » pour « leur proposer un pacte » électoral. Une alliance avec ces deux formations qui recueillent entre 6 % et 8 % d’intentions de vote lui donnerait une large majorité.
« Le Capitaine » (surnom donné par ses partisans) a poursuivi ce week-end sa médiatique « tournée des plages » à la conquête de l’électorat du Sud, jusqu’alors acquis au M5S. Bains de foule et selfies à gogo, pause déjeuner torse nu, le chef des souverainistes italiens a peaufiné plutôt avec succès son image de Monsieur-tout-le-monde, un peu macho.
Le Lombard a néanmoins été contesté en Basilicate et en Sicile, où des manifestants lui ont rappelé ses vieilles diatribes contre le « Sud assisté ». Pourquoi des élections maintenant ? Pour arrêter les « disputes » avec le M5S sur les grands chantiers ou les baisses d’impôts et installer « un gouvernement stable pour cinq ans », martèle Matteo Salvini.
Un « front républicain » pour faire barrage à Matteo Salvini
À Rome, après le choc initial, le camp opposé à des élections immédiates se mobilise. Luigi Di Maio, a appelé le Parlement à approuver, avant tout retour aux urnes, la drastique réduction prévue du nombre de parlementaires : 345 en moins sur 950 sièges actuellement. L’humoriste Beppe Grillo, fondateur et mentor du M5S, est venu épauler Luigi Di Maio, en proposant « un front républicain » pour empêcher « les barbares » d’arriver au pouvoir.
L’ex-chef de gouvernement de centre-gauche Enrico Letta (avril 2013-février 2014) s’est dit, dans un entretien à l’AFP, « très préoccupé » de l’ascension de Matteo Salvini qui, si on ne le stoppe pas, pourrait s’arroger la « majorité absolue » au Parlement. « Ce serait un grand danger pour le pays » que Matteo « Salvini et ses idées souverainistes pourraient entraîner hors de l’Europe ».
L’ancien ministre de l’Économie Pier Carlo Padoan a averti qu’un Matteo Salvini au pouvoir en solitaire pourrait faire déraper davantage une économie déjà fragile, avec une croissance quasi nulle attendue cette année, et tendre les taux de l’énorme dette italienne (plus de 130 % du PIB).
« On me traite de dictateur mais un dictateur ne demande pas de voter »
Quant à l’ex-Premier ministre Matteo Renzi (février 2014 – décembre 2016), dont Pier Carlo Padoan fut ministre, il a fait dimanche « une proposition concrète » pour éviter de « livrer, à la droite extrémiste, l’avenir de nos enfants ».
Ce poids lourd du Parti démocrate (PD, centre gauche) imagine un « gouvernement institutionnel » pour adopter en particulier le budget 2020 et éviter la hausse automatique de la TVA prévue l’an prochain, qui pénaliserait les familles italiennes. Un tel exécutif serait formé de ministres M5S, fort de la majorité relative du mouvement dans les deux chambres, appuyé par d’autres partis dont le PD.
Piqué au vif, Matteo Salvini a fustigé « des magouilles » et « manœuvres de palais ». « On me traite de dictateur mais un dictateur ne demande pas de voter », a-t-il lancé. Pour précipiter la chute du gouvernement, il se dit prêt à une démission des sept ministres de la Ligue. Un moyen aussi d’éviter un échec potentiel de sa motion de censure au Sénat, où il ne compte que 58 élus sur environ 320 sièges.