Italie : pourquoi la perspective d’élections anticipées s’éloigne ?

La perspective d’élections anticipées dès l’automne s’éloigne en Italie après la formation, le temps d’un vote mardi, d’une majorité entre le Mouvement 5 Etoiles (anti-système) et le Parti démocrate (centre-gauche) mais la solidité de l’attelage n’est pas garantie.

Question: Que s’est-il produit au Sénat mardi ?

Les sénateurs du PD et ceux du M5S, furieux contre Matteo Salvini qui a rompu sans avertissement leur alliance le 8 août, ont voté comme un seul homme contre la proposition du chef de la Ligue (extrême-droite) de renverser dès cette semaine le gouvernement de Giuseppe Conte par une motion de censure. Ils se sont entendus pour demander au chef de l’exécutif, proche du M5S, d’uniquement venir « s’exprimer » le 20 août au Sénat, et tenter de dénouer la crise politique.

Cette union de circonstances a été marquée par le grand retour de l’ancien Premier ministre (février 2014/décembre 2016) Matteo Renzi, toujours poids-lourd du PD. Pour lui, « le Capitaine Fracasse Salvini a raté son rendez-vous » en rompant la coalition de 14 mois avec le M5S pour obtenir des élections anticipées dès octobre-novembre.

Celui que ses fans surnomment « Le Capitaine » a contre-attaqué, en proposant au M5S, dont c’est l’un des chevaux de bataille, de se réconcilier le temps de voter la semaine prochaine une très forte réduction du nombre de parlementaires (à 600 élus contre 945, un record européen) puis de retourner juste après aux urnes.

Matteo Salvini a annoncé mercredi qu’il allait retenter de renverser mardi prochain le gouvernement Conte. « Le 20 août nous voterons la défiance contre le Premier ministre », car « la voie démocratique et transparente » est « celle des élections ».

Question: Pourquoi un scrutin anticipé à l’automne s’éloigne ?

La proposition surprise de Salvini de voter la cure d’amaigrissement parlementaire qui converge avec celle de Renzi rend vraisemblable l’approbation jeudi ou vendredi prochain de ce texte en dernière lecture à la Chambre des députés. Pour le M5S, les salaires économisés doivent aller à des « choses plus utiles », « les écoles, les routes et les hôpitaux ».

Et M. Renzi l’a désormais promis, son parti, le PD, apportera ses voix au projet.

Mais cette réforme devra encore être validée par un référendum constitutionnel, qui exige trois mois d’organisation et trois autres pour le déroulement du scrutin, puis il faudra redessiner les circonscriptions, ont fait remarquer les spécialistes.

Cela repousserait de six mois au moins un scrutin. Pendant ce temps, le gouvernement M5S-Ligue actuel serait paralysé, et incapable de s’entendre sur le budget 2020, crucial pour la troisième économie de la zone euro, très endettée, est au bord de la récession.

Pour M. Renzi, avant tout scrutin, il faut non seulement approuver la réduction parlementaire mais aussi une loi de finances pour récupérer 23 milliards d’euros qui manquent aux comptes publics, et éviter une hausse automatique programmée de la TVA en janvier.

Pour ce faire, M. Renzi a proposé la formation d’un gouvernement transitoire, qui pourrait voir s’allier le PD au M5S, tout en reconnaissant que « cela lui en coûte sur le plan humain », car avant et après la chute de son gouvernement en décembre 2016, il a essuyé des flots « d’insultes » de leur part.

Question: quelle chance a une nouvelle majorité d’émerger et que veulent les Italiens ?

Sur le papier, une majorité M5S-PD est possible mais les Cinq Etoiles sont divisés en deux camps, l’aile gauche proche du président de la Chambre basse Roberto Fico qui y serait favorable et l’aile plus droitière de M. Di Maio plus réticente.

Selon les médias, M. Fico travaille à l’hypothèse d’un gouvernement « de législature » qui pourrait être conduit par une personnalité respectée du M5S comme l’ex-magistrat anti-corruption, Raffaelle Cantone.

Pour Stefano Folli, éditorialiste du journal Repubblica, « un gouvernement restreint au PD et M5S qui naîtrait avec l’ambition de durer une législature jusqu’en 2022 est l’hypothèse la plus réaliste », « à condition qu’il trouve une base de programme cohérente ».

M. Di Maio penche plutôt pour un large remaniement aux profits des Cinq Etoiles, et l’avènement d’un gouvernement Conte bis, sans vote de censure.

Selon de récents sondages, si la Ligue de Salvini (créditée de 36 à 38 %) nouait un pacte avec ses vieux alliés de Forza Italia (centre-droit) et Frères d’Italie (extrême droite), l’ensemble s’adjugerait plus de 50% des voix.

Mais dans le système italien, « les gouvernements naissent, meurent et renaissent au parlement », indique l’ex-Premier ministre Enrico Letta, en évoquant une « politique italienne très créative ».

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