Madina, 16 ans, était en cours d’anglais quand la première de deux énormes explosions a secoué son école à Kaboul début juillet, projetant des éclats de verre sur les élèves: des kamikazes talibans venaient de frapper un camp militaire voisin.
Des hommes armés ont ensuite fait irruption dans l’établissement à la recherche de positions de tir.
En Afghanistan, pas moins de 192 écoles ont été la cible d’attaques et plus de 1.000 ont été fermées l’an passé pour des raisons de sécurité, selon l’Unicef. Environ 500.000 enfants se sont ainsi sont vu « refuser leur droit à l’éducation », déplore l’agence onusienne.
« C’était une journée effrayante », se souvient Madina, des cicatrices sur les bras et les jambes causés par des éclats de verre.
« J’en fais encore des cauchemars, je n’arrive pas à me concentrer, c’était très difficile de me préparer aux examens », souffle l’adolescente, deux semaines après l’attaque, à la sortie d’un examen de mathématiques. De nombreuses salles de classe sont désormais inutilisables.
Etats-Unis et talibans affirment faire des progrès dans les pourparlers de paix en cours. Mais peu de choses ont changé pour les civils afghans.
Selon l’ONU, 1.366 civils ont été tués et 2.446 blessés au cours du premier semestre. Près d’un tiers des victimes sont des enfants (327 morts et 880 blessés).
Quelques jours après l’attentat à Kaboul, une voiture piégée des talibans a pris pour cible les services de renseignement de la ville de Ghazni (est). L’explosion a également touché une école voisine, blessant des dizaines d’enfants.
Dans l’école de Madina, sur les quelque 120 élèves que compte l’établissement, environ 20% manquent toujours à l’appel, selon le directeur de l’école Niamatullah Hamdard. « Ils ont peur de revenir ».
Hantés
Dans le district de Deh Bala, dans la province de Nangarhar (est), l’école Papen s’est elle retrouvée au milieu des combats entre les forces gouvernementales et la branche afghane du groupe Etat islamique (EI).
Elle est aujourd’hui en ruines. Les enfants, dont certains ont vu des combattants de l’EI décapiter des villageois, suivent désormais les cours assis sur un tapis au milieu des débris.
« Quand les élèves s’endorment la nuit, ils rêvent de Daesh (l’acronyme arabe de l’EI) et sont hantés par ces atrocités », explique le directeur, Muhamad Wali. « Quand ils viennent ici, ils sont extrêmement stressés ».
Les élèves « n’arrivent plus à se concentrer sur leurs études » et ont des comportements erratiques, observe Omar Ghorzang, un responsable du district scolaire.
Les enfants traumatisés n’ont plus « l’occasion d’apprendre, de développer leurs compétences, d’améliorer leur productivité et de contribuer à la croissance économique », relève l’Unicef.
Amir Gul, âgé d’environ 15 ans, confirme que ses camarades de classe de Papen et lui-même vivent dans un état d’anxiété extrême.
« Nous avons toujours peur qu’une bombe explose. Tout le monde a peur et personne ne peut étudier », confie-t-il.
La psychothérapeute Bethan McEvoy, conseillère pédagogique pour le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), souligne que « quand on vit un événement très stressant, il y a une réaction naturelle dans notre corps qui se transforme en réaction de survie ».
Mais « quand les gens sont dans un état de peur constante, il est difficile de désactiver cette réaction », note-t-elle.
Car en plus des attaques des insurgés, la mort vient aussi du côté des forces américaines – qui ont tué 76 civils en 2018 dont 31 enfants, selon un récent rapport du Pentagone -, et des mines auxquelles les enfants sont particulièrement exposés.
Selon la Mission d’assistance des Nations Unies, 84 % des blessures mortelles touchant les enfants sont dues aux mines et munitions non-explosées.
Le ministère de la Santé a mis en place des cellules d’écoute dans les écoles de Kaboul frappées par la violence. L’une d’elles s’est rendue dans l’école de Madina. « C’était utile mais trop court », estime l’adolescente.
En revanche, aucune aide psychologique n’a été apportée aux élèves de l’école Papen tant la zone est dangereuse, regrette Muhamad Wali, le directeur de l’école de Nangarhar.