Les projecteurs seront braqués lundi sur le Premier ministre hongrois Viktor Orban à l’occasion des célébrations du 30e anniversaire du démantèlement du Rideau de fer, qui contraste avec le zèle dont il fait preuve aujourd’hui pour construire de nouveaux murs aux frontières de son pays.
Ce 19 août à Sopron, une petite ville jouxtant l’Autriche, est organisée la commémoration officielle du « pique-nique paneuropéen » qui s’y est déroulé en 1989. Cet événement clé avait marqué la première brèche dans la séparation de l’Europe en deux blocs après la Deuxième Guerre mondiale, permettant alors la fuite massive de près de 600 Allemands de l’Est via la Hongrie.
Cette année-là, au moment où les régimes communistes s’effondraient en Europe de l’Est, Viktor Orban, à l’époque un jeune opposant politique, a acquis une forte notoriété avec un discours retentissant devant une vaste foule à Budapest, dans lequel il exigeait le départ des troupes soviétiques.
Même si ses détracteurs jugent que son rôle dans les événements de cette année-là a depuis été exagéré, son appel à « la démocratie citoyenne » avait eu un fort écho.
Le processus alors entamé d’ouverture des frontières avait culminé en 2004 quand la Hongrie et plusieurs de ses voisins étaient entrés dans l’Union européenne.
Les Hongrois ont été parmi les plus enthousiastes dans l’exercice de leur droit nouvellement acquis de se déplacer librement.
Et aujourd’hui, d’après Eurostat, quelque 350.000 d’entre eux en âge de travailler vivent ailleurs en Europe, sur un nombre total d’expatriés évalué à près de 500.000, pour une population nationale d’un peu moins de 10 millions d’habitants.
Du coup, dans les années ayant immédiatement suivi la chute du communisme, la question de l’immigration en Hongrie a pendant longtemps été reléguée au second plan face au phénomène de l’émigration vers l’ouest du continent.
La politique suivie concernant l’entrée d’étrangers sur son territoire, notamment l’octroi du droit d’asile, était d’ailleurs à cette époque tout à fait libérale.
A la fin des années 1980 et dans les années 1990, des milliers de Hongrois de souche fuyant la Roumanie y ont été accueillis à bras ouverts, tout comme au moins 50.000 personnes chassées par les guerres dans l’ex-Yougoslavie, dont beaucoup de musulmans de Bosnie.
Boldizsar Nagy, de l’Université d’Europe centrale, relève à cet égard que personne ne mettait alors en doute le bien-fondé de l’obtention du droit d’asile par ces derniers, ce qui tranche avec l’islamophobie qui ponctue le discours public dans la Hongrie d’aujourd’hui.
« La guerre qui se déroulait en Yougoslavie, c’était dans un pays voisin. Dans les villes du sud, on pouvait entendre les bombardements » de l’autre côté de la frontière, explique-t-il. « On savait en Hongrie que ces personnes qui arrivaient (…) devaient être protégées ».
Cela dit, lorsqu’il s’est agi d’autoriser une installation permanente dans ce pays, tous les gouvernements qui se sont succédé après 1989 ont donné la préférence aux Hongrois de souche originaires des Etats limitrophes.
Cette attitude est devenue plus prononcée encore lorsque Viktor Orban a accédé aux fonctions de Premier ministre, poste qu’il occupa de 1998 à 2002 avant de le retrouver en 2010. A cet égard, avant même la crise de 2015 liée à l’exode massif de migrants vers l’Europe, il avait durci sa rhétorique contre l’immigration en provenance d’autres régions du monde.
Alors que la Hongrie avait initialement permis à des milliers d’étrangers de traverser son territoire pour se rendre en Europe de l’ouest, le gouvernement a ensuite fait ériger des barrières hérissées de barbelés le long de sa frontière sud, permettant à la police de « repousser » les migrants vers la Serbie.
Mais d’après Zoltan Kiszelly, du groupe de réflexion d’obédience conservatrice Institut du XXIe siècle, ceux qui voient une contradiction entre les prises de position de Viktor Orban en 1989 et en 2015 ont mal compris ses motivations.
Il y a trente ans, sa préoccupation était « la souveraineté de la Hongrie » plus qu’une ouverture en tant que telle des frontières, souligne-t-il.
Viktor Orban s’en est d’ailleurs expliqué dans un discours devant le parlement de Bavière en octobre 2016. « L’ouverture des frontières de 1989 et la protection de ces frontières aujourd’hui sont les deux faces d’une même pièce », avait-il martelé à cette occasion.
En 1989, « nous nous battions pour la liberté de l’Europe et maintenant nous protégeons cette liberté », a-t-il ajouté.