Italie : Giuseppe Conte annonce sa démission

Le Premier ministre italien Giuseppe Conte a annoncé mardi sa démission, accusant le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini d’avoir été « irresponsable » et d’avoir uniquement « poursuivi ses propres intérêts et ceux de son parti » en faisant éclater la coalition au pouvoir le 8 août.

Dans un discours solennel au Sénat, le chef du gouvernement a estimé que celui qui est aussi son vice-Premier ministre faisait « courir de graves risques à notre pays », évoquant notamment le danger d’une spirale économique négative. « J’interromps ici cette expérience de gouvernement. J’entends conclure ce passage institutionnel de façon cohérente. J’irai voir le président de la République pour lui présenter ma démission », a déclaré Giuseppe Conte, en soulignant que, auparavant, il écouterait le débat prévu pour durer 3 h 45.

« Faire voter les citoyens est l’essence de la démocratie, mais leur demander de voter tous les ans est irresponsable, a lancé Giuseppe Conte. Le pays a un besoin urgent que soient adoptées des mesures pour favoriser la croissance économique et les investissements. » Conte a également tancé le chef de la Ligue (extrême droite) pour son « manque de respect des règles et des institutions », lui reprochant aussi d’avoir réclamé des élections au plus vite afin d’obtenir « les pleins pouvoirs ». « Cher ministre de l’Intérieur, je t’ai entendu demander les pleins pouvoirs et appeler (tes partisans) à descendre dans la rue pour te soutenir ; cette attitude me préoccupe. Nous n’avons pas besoin des pleins pouvoirs, mais de dirigeants ayant le sens des institutions », a-t-il encore déclaré.

C’est le chef de la Ligue qui a déclenché les hostilités, le 8 août, en accusant ses partenaires du M5S (antisystème) de multiplier les refus sur les baisses d’impôts ou les grands chantiers. Juste après avoir fait exploser la coalition, le Lombard s’est lancé dans une médiatique tournée des plages à la conquête du Sud, faisant constamment pression pour obtenir des élections dès l’automne. Alors que l’instabilité de l’attelage Ligue-M5S a fait perdre 5 milliards d’euros à l’Italie en tensions sur le marché obligataire, les marchés ont réagi nerveusement aux incertitudes pesant sur la troisième économie de la zone euro, très endettée et qui tourne au ralenti. Salvini pensait pouvoir miser sur l’effet de surprise, sur l’affaiblissement du M5S de l’inaudible Luigi Di Maio et sur des sondages le créditant de 36-38 %, l’inverse du score des législatives de 2018 quand le M5S s’était adjugé 32 % des voix (15/16 % aujourd’hui), et la Ligue 17 %. Mais en déclenchant la « crise la plus folle du monde », selon les termes du journal La Stampa, l’homme fort du gouvernement n’avait pas pris en compte l’inertie du système italien où les majorités naissent et meurent au Parlement.

Giuseppe Conte a d’ailleurs rapidement recadré son vice-Premier ministre, en l’appelant dès le 8 août à « expliquer et justifier » au Parlement sa décision de mettre un terme brutal à une nouvelle expérience de gouvernement. Matteo Salvini, en tant qu’élu de la chambre haute, devrait, lui aussi, prendre la parole. La balle passera ensuite dans le camp du président Sergio Mattarella qui mènera des consultations pendant plusieurs jours pour explorer la possibilité d’une nouvelle majorité gouvernementale et choisir une personnalité pour la mener.

Pendant que Matteo Salvini poursuivait son « beach tour », entre mojitos, selfies et invectives sur « l’Italie (qui) ne doit pas devenir un camp de migrants », les autres partis ont en effet organisé le front anti-élections. Une première proposition d’alliance est venue, à la surprise générale, de l’ancien chef de gouvernement Matteo Renzi, bête noire tout autant de Matteo Salvini que du M5S. Matteo Renzi a proposé une réconciliation et lancé l’idée d’un gouvernement « institutionnel », alliant sa formation, le Parti démocrate (PD, centre gauche) et le M5S. Au programme, l’élaboration du budget 2020 de façon à éviter une hausse de la TVA qui interviendra automatiquement en janvier 2020, si rien n’est fait pour combler un trou de 23 milliards d’euros dans les caisses publiques. Le patron du PD, Nicola Zingaretti, a toutefois averti lundi : « Soit les consultations (du président) débouchent sur un gouvernement fort et de renouvellement aussi dans son programme, soit il vaudra mieux retourner aux urnes. »

Une autre piste a été suggérée par l’ex-Premier ministre et président de la Commission européenne, Romano Prodi, qui propose un gouvernement pro-européen baptisé « Ursula », du nom de la nouvelle présidente de la Commission, l’Allemande Ursula von der Leyen. Dans son esprit, il s’agirait d’une alliance gauche-droite pouvant inclure Forza Italia de Silvio Berlusconi, à la manière des coalitions allemandes, pour que l’Italie redevienne « un membre actif de l’Union européenne ».

Le président Sergio Mattarella est chargé de vérifier la viabilité d’une nouvelle coalition gouvernementale qui lui sera présentée. S’il juge qu’aucune majorité solide n’existe pour gouverner, il pourrait décider de convoquer rapidement de nouvelles élections législatives. Ce qui reviendrait à concrétiser l’objectif initial de Matteo Salvini lorsqu’il a fait voler en éclats le 8 août sa coalition formée avec M5S. Il rêve en effet de devenir chef du gouvernement italien, avec l’aide de Fratelli d’Italia (petit parti d’extrême droite) et Forza Italia (centre droit) de l’ex-Premier ministre Silvio Berlusconi.

Deux échéances viennent compliquer la donne. Lundi, l’Italie doit communiquer à la Commission européenne son candidat pour un poste de commissaire. Le 15 octobre, L’Italie doit envoyer son projet de loi de finances à Bruxelles. À la veille du jour J, Matteo Salvini a dénoncé ces manœuvres comme des « jeux de pouvoir et de palais » qui sont « une trahison honteuse du peuple italien ». Selon l’institut Youtrend qui a sondé des politologues, un gouvernement M5S-PD recueille 36 % de probabilités, des élections immédiates 22 %, une coalition « Ursula » 12 % et le même pronostic pour un gouvernement avec pour seuls objectifs de voter le budget et préparer de nouvelles élections au printemps 2020.

Lien