L’Italie en effervescence pour tenter de former un nouveau gouvernement

La classe politique italienne est en effervescence : le président de la République démarre mercredi des consultations expresses qui vont voir diverses formations dont le centre-gauche proposer la constitution d’une nouvelle majorité de gouvernement, en cherchant à tout prix à éviter un scrutin anticipé dès l’automne.

Après la démission mardi du chef du gouvernement Giuseppe Conte, le président Sergio Mattarella qui, dans le système italien, détient depuis son palais du Quirinal les clefs pour le dénouement de la crise, veut aller vite, selon les « quirinalistes », ces journalistes parfois comparés aux kremlinologues à Moscou, tant la présidence italienne est réputée pour son mutisme et sa sobriété.

« Mattarella ne perdra pas de temps et surtout ne permettra pas qu’on lui en fasse perdre. Il demandera de la clarté et de la synthèse pour éviter des manoeuvres dilatoires », souligne ainsi mercredi le « quirinaliste » du journal La Stampa Ugo Magri, en notant que les consultations démarrent mercredi à 14H00 GMT pour se terminer dès jeudi soir.

Le chef de l’Etat doit recevoir les présidents du Sénat et de la Chambre des députés et tous les groupes parlementaires, en terminant par le Mouvement 5 Etoiles (M5S, anti-système), le plus important numériquement, depuis sa victoire aux législatives de 2018 avec plus de 32 % des voix.

Car, même si aujourd’hui le puissant chef de la Ligue (extrême droite), Matteo Salvini, est crédité de 36 à 38 % des intentions de vote, et le M5S seulement 15 ou 16 %, il ne dispose au Parlement que des sièges correspondant aux 17 % de voix recueillis en 2018.

Sûr de sa bonne étoile et de la « protection du coeur immaculé de Marie », M. Salvini a maintenu sa ligne: il réclamera au président « la voie royale » du retour aux urnes.

Le Lombard a plongé l’Italie dans l’incertitude en rompant brusquement en plein été, le 8 août, le mariage mal assorti conclu 14 mois plus tôt avec les Cinq Etoiles, accusés de s’opposer systématiquement à ses projets, et en réclamant des élections immédiates.

Pour dénouer la crise, le président Mattarella dispose d’un éventail d’options, dont un scrutin dès l’automne.

Mais il est notoirement réticent à cette idée car il serait organisé pile au moment où la troisième économie de la zone euro, en panne et très endettée, devra présenter à la Commission européenne son projet de budget pour 2020.

Il écoutera les propositions des uns et des autres puis prendra une décision, sans doute pas avant vendredi.

D’ici là, le Parti démocrate (PD, centre-gauche) a fait savoir, par la bouche de son ex-Premier ministre Matteo Renzi, qu’il comptait approfondir son idée d’une alliance avec le M5S, pour former un gouvernement « institutionnel », qui pourrait être mené de nouveau par M. Conte. Selon les analystes, si M. Mattarella détecte la possibilité d’une nouvelle majorité, il pourrait accorder un petit délai jusqu’à la semaine prochaine.

De l’avis des spécialistes, le Premier ministre, que le chef du M5S Luigi di Maio a qualifié de « serviteur de la Nation dont l’Italie ne peut se passer », est sorti grandi de la crise.

M. Renzi a dit à l’AFP espérer que pourra « s’ouvrir une nouvelle page pour l’Italie ». Pour lui, « l’accord entre le M5S et le PD peut être une solution », en dépit des fortes inimitiés du passé.

Problème: ce projet ne fait pas consensus au sein du PD, le chef du parti Nicola Zingaretti rechignant à un gouvernement « Conte bis », entaché à ses yeux des concessions du Premier ministre aux durcissements sécuritaires, impulsés par Salvini pendant le mariage Ligue-M5S. Autre écueil: l’ombre de M. Renzi, véritable épouvantail pour le M5S et qui pourrait en profiter pour reprendre la tête du PD.

Le PD réunit son état-major mercredi à partir de 11H00 (09H00 GMT).

M. Mattarella examinera aussi l’hypothèse proposée par l’ancien Premier ministre et ex-président de la Commission européenne Romano Prodi, une grande coalition pro-européenne, gauche-droite à l’allemande, baptisée « gouvernement Ursula ».

Là encore, aucune certitude sur une telle alliance, qui inclurait le parti Forza Italia (centre-droit) de Silvio Berlusconi. L’ex-président du Parlement européen Antonio Tajani, proche du « Cavaliere », l’a jugée « impossible » dans un entretien à l’AFP, privilégiant un rassemblement de la « droite libérale ».

Faute d’accord, il ne resterait à M. Mattarella que deux possibilités: un gouvernement de techniciens pour adopter le budget et préparer des élections au printemps 2020, ou un « gouvernement du président » ayant uniquement pour mandat d’organiser un scrutin anticipé fin octobre.

Lien