Dans le nord-ouest syrien, le face-à-face des soldats de Damas et d’Ankara

Juché sur sa moto, le soldat Ahmed Amouri apporte de l’eau à ses camarades de l’armée syrienne qui montent la garde sous des pistachiers à Morek, à quelques dizaines de mètres seulement d’un poste d’observation des forces turques.

« Le calme est revenu à Morek », confie M. Amouri à l’AFP, en transportant plusieurs bouteilles d’eau dans un sac plastique noir, casquette vissée sur le crâne et les vêtements couverts de poussière.

Cette localité du nord-ouest de la Syrie, dans la province de Hama, a été reprise vendredi à des jihadistes et rebelles par les forces gouvernementales, qui depuis encerclent le principal poste d’observation des soldats turcs en Syrie.

Ankara, qui soutient des groupes rebelles opposés au régime syrien, a déployé depuis près de deux ans des forces sur 12 postes d’observation à Hama et dans la province voisine d’Idleb.

Samedi, aucun soldat turc n’était en vue. Un petit drapeau de la Turquie coiffe l’une des extrémités du poste d’observation, protégé par de hauts murs en béton et des barbelés. Toutes les routes qui y mènent sont désormais tenues par les forces syriennes.

« Nous ne sommes pas du tout inquiets de la présence d’un poste turc », dit M. Amouri, soldat d’une vingtaine d’années, rencontré par un journaliste de l’AFP durant une visite de presse organisée par l’armée.

La scène illustre la complexité du conflit ravageant la Syrie depuis 2011 et qui a impliqué au fil des ans une multitude de belligérants soutenus par des puissances internationales et régionales ayant déployé leurs propres troupes.

Pour reconquérir des territoires du nord-ouest syrien tenus par des jihadistes et des rebelles, le régime du président Bachar al-Assad a lancé le 8 août une offensive au sol, grignotant des secteurs de la province d’Idleb et des régions adjacentes comme celle de Hama, après des mois de bombardements meurtriers.

A Morek, les soldats syriens sont rassemblés autour d’un officier qui prépare le déploiement des troupes dans la ville.

Il déplie une carte sur laquelle il indique à ses hommes la localisation du poste turc et les positions que compte prendre l’armée syrienne.

Les soldats turcs ont salué de la main les forces syriennes à leur arrivée près du poste d’observation, assure l’officier. Aucune des parties n’a ouvert le feu, dit-il.

« Nous attendons les ordres pour connaître l’étape suivante », explique le quinquagénaire aux cheveux grisonnants qui se prépare à une « nouvelle bataille », alors que le pouvoir semble déterminé à poursuivre son offensive dans la région, toujours dominée par les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda).

Depuis avril, plus de 900 civils ont été tués par les bombardements de Damas et de son allié russe, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

Les violences ont fait 400.000 déplacés d’après l’ONU, les habitants fuyant principalement le sud d’Idleb et le nord de Hama pour trouver refuge plus au nord.

A Morek comme à Khan Cheikhoun, grande ville du sud d’Idleb également reprise par le régime, les rues sont désertes. Seuls des soldats y poursuivent leurs opérations de ratissage et de déminage, au milieu de bâtisses qui affichent les stigmates des combats.

Mohamed al-Awaj, qui a quitté Khan Cheikhoun en 2012 à cause du conflit, constate à quel point sa ville a changé. « Ma maison a été incendiée et mon quartier détruit », lâche le soldat de 27 ans.

L’équipe de l’AFP n’a pu croiser que deux familles civiles à Khan Cheikhoun.

Fusil à l’épaule, Hussein Hassan se sent lui aussi en terrain inconnu. « Quand j’ai quitté Khan Cheikhoun il y a quelques années, la ville était extrêmement belle. Mais avec toutes les destructions, je ne l’ai pas reconnue. »

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