L’ex-présidente sudcoréenne Park et l’héritier de Samsung seront rejugés

La Cour suprême sud-coréenne a ordonné jeudi que soient rejugés l’ex-présidente Park Geun-hye et l’héritier de l’empire Samsung, Lee Jae-yong, dans un retentissant scandale de corruption, infligeant un revers au premier fabricant mondial de smartphones.

Première femme élue présidente en Corée du Sud, Mme Park, 67 ans, purge actuellement une peine de 25 ans de prison après avoir été reconnue coupable en appel l’an dernier de corruption et abus de pouvoir notamment.

Vice-président de Samsung Electronics et fils du président du groupe Samsung, qui est de loin le plus gros conglomérat sud-coréen, M. Lee avait de son côté obtenu en appel en février 2018 que sa condamnation à cinq ans de prison soit ramenée à du sursis.

Leurs procès avaient jeté une lumière crue sur les accointances troubles entre les groupes familiaux sud-coréens et le pouvoir politique, au travers de Mme Park et de sa confidente de l’ombre Choi Soon-sil qui avaient accepté des pots-de-vin en échange de faveurs politiques.

Jeudi, la Cour suprême a ordonné que Mmes Park et Choi et M. Lee soient rejugés, en invoquant des erreurs de la Haute Cour.

Après dix mois d’un procès qu’elle avait très largement boycotté, Mme Park avait été condamnée en avril 2018 pour nombre de délits.

Elle avait été reconnue coupable d’avoir reçu ou demandé plus de 20 millions de dollars de conglomérats sud-coréens, d’avoir partagé des documents classés secrets, d’avoir mis sur une « liste noire » des artistes critiques de sa politique ou encore d’avoir limogé des responsables qui s’opposaient à ses abus de pouvoir. Et sa peine de 24 années de détention avait été alourdie d’un an en appel.

Jeudi, la haute juridiction a cassé pour des raisons de procédure la décision d’appel en affirmant que la cour aurait dû rendre une décision séparée dans le volet corruption de cette tentaculaire affaire.

« Nous renvoyons l’affaire devant la Haute Cour de Séoul », a déclaré le président de la Cour Kim Myeong-su.

Des médias sud-coréens ont relevé que cette décision pourrait être une mauvaise nouvelle pour Mme Park -qui avait été destituée en 2017 après des manifestations monstres- car elle pourrait in fine écoper d’une peine plus longue si elle était reconnue coupable dans deux procès distincts.

Le scandale avait permis de révéler l’influence énorme sur la présidente de Mme Choi, son « amie de 40 ans » surnommée « Raspoutine » par les médias et qui n’occupait aucune fonction officielle.

M. Lee avait été poursuivi notamment pour les millions de dollars que Samsung avait versé à Choi Soon-Sil, dont le parquet soutenait qu’ils visaient à acheter des faveurs politiques. Comme par exemple le fait de permettre une transition en douceur à la tête de Samsung.

Le juge Kim a estimé jeudi que l’arrêt de la Haute Cour, qui avait été très favorable à M. Lee, faisait « une mauvaise interprétation de la loi sur la corruption ».

La Cour suprême a notamment estimé que les trois chevaux d’une valeur de 3,4 milliards de wons (2,5 millions d’euros) que le groupe Samsung avait donné au centre équestre de la fille de M. Choi étaient bien constitutifs du délit de corruption.

On ignore dans l’immédiat si M. Lee, qui est de facto le patron du premier fabricant mondial de smartphones et puces, retournera derrière les barreaux dans l’attente de son procès. Mais des experts estiment que cet arrêt complique nécessairement la gestion de Samsung Electronics.

« Cela va ralentir le processus de prise de décision dans tous les domaines », a déclaré à l’AFP Ahn Ki-hyun, vice-président de l’association de l’industrie sud-coréenne des semi-conducteurs.

Le géant technologique, qui avait déploré au deuxième trimestre une baisse de 53% de son bénéfice net, est déjà confronté à l’effondrement du cours mondial des puces et aux effets de sanctions commerciales japonaises.

Dans un communiqué, jeudi, le groupe dit « regretter profondément » l’inquiétude occasionnée, ajoutant sans jamais mentionner l’arrêt: nous « éviterons de répéter les erreurs du passé ».

L’action Samsung a clôturé jeudi sur une baisse de 1,7 %.

Au coeur du scandale, Mme Choi -fille d’un mystérieux chef religieux- avait été condamnée en 2018 à 20 ans de réclusion criminelle, notamment pour avoir tiré profit de ses liens personnels anciens avec Mme Park pour contraindre de grands groupes à verser des fonds à des fondations sous son contrôle.

Des centaines de partisans de l’ex-présidente s’étaient massés à l’extérieur de la Cour suprême, avec des pancartes exhortant à cesser les « violations des droits de l’homme » contre la fille de l’ancien dictateur assassiné Park Chung-hee.

La chute de la présidente conservatrice avait permis l’alternance et l’élection de Moon Jae-in (centre-gauche) qui a contribué en 2018 au spectaculaire rapprochement entre les deux Corées.

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