Florence Parly a officiellement signé le 3 septembre l’arrêté créant le commandement de l’espace (CDE) au sein de l’armée de l’air, qui doit devenir à terme l’armée « de l’air et de l’espace ».
Quelques jours après l’annonce de sa création par Emmanuel Macron à la veille du 14 juillet, la ministre des Armées avait détaillé les objectifs du CDE lors d’un discours le 25 juillet sur la base aérienne de Lyon-Mont Verdun. « Disposer d’une défense spatiale renforcée est absolument essentiel : c’est notre liberté d’appréciation, d’accès et d’action dans l’espace qui est en jeu », avait alors expliqué Florence Parly, annonçant une extension de 700 millions d’euros du budget spatial militaire, sous forme de réallocation de crédits déjà attribués à son ministère, portant le total à 4,3 milliards d’euros d’ici à 2025.
Le nouveau commandement de l’espace rassemblera dans un premier temps les 220 personnels de l’actuel Commandement interarmées de l’espace (CIE), du centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (Cosmos) et du centre militaire d’observation par satellites (CMOS). Il aura vocation à croître et atteindre sa dimension finale d’ici à 2025, date à laquelle le nouveau centre opérationnel spatial de l’armée de l’air, à Toulouse, aura certainement pris forme. Il « exercera des responsabilités dans le domaine de la conception et de la mise en œuvre de la politique spatiale militaire, ainsi que dans les domaines opérationnel et organique », précise le communiqué du ministère des Armées.
« La nouvelle doctrine spatiale militaire proposée par la ministre et que j’ai approuvée permettra d’assurer notre défense de l’espace et par l’espace », avait de son côté expliqué Emmanuel Macron, évoquant une meilleure protection de nos satellites « y compris de manière active », c’est-à-dire avec des armes spatiales.
Le choix d’intégrer l’espace au sein de l’armée de l’air va faire grincer des dents dans l’armée de terre et la marine, qui disposent toutes deux d’experts spatiaux, lesquels devront au moins pour partie rejoindre l’armée de l’air. Du côté des aviateurs, cette nouvelle responsabilité est une bonne nouvelle même si elle devra être suivie de mesures budgétaires adaptées.
Début 2019, la France avait publiquement envisagé, pour la première fois de son histoire, de concevoir et de mettre en orbite des armes spatiales afin d’exercer son droit à la légitime défense. Cette nouvelle capacité pourrait prendre plusieurs formes : des équipements embarqués sur de prochains satellites, comme des armes à énergie dirigée (lasers), des faisceaux à micro-ondes, ou des armes à impulsion électromagnétique ; un véhicule spatial agile capable, à l’image du drone X-37 B américain, de passer plusieurs semestres à évoluer sur les orbites basses pour y mener des opérations sensibles ; ou encore des missiles tirés depuis le sol. En face, un ennemi pourrait utiliser la même panoplie, parfois sans être détecté.
« Toutes les menaces sont crédibles ! Du cyber, avec des moyens faciles à mettre en œuvre et accessibles à des acteurs non étatiques, au missile antisatellite, en haut du spectre, qui a des conséquences immédiates et irréversibles, tout en portant un message politique fort », nous avait expliqué le général Michel Friedling, commandant interarmées de l’espace pour la France. « Dans ce contexte, placer une arme dans l’espace à des fins non agressives n’est pas en soi interdit, selon notre lecture du Traité de l’espace », avait-il poursuivi.
En France, les menaces sont classées selon leur capacité de nuisance, mais aussi selon leur acceptabilité pour celui qui les met en œuvre : « Un missile générera des débris dangereux pour tous les autres objets, y compris ceux de l’attaquant », précisait encore le général. Plus de 1 700 satellites sont aujourd’hui en orbite, et ils devraient être 6 000 dans cinq ans. Le secteur civil s’empare de l’espace, ce qui est à la fois une chance pour les militaires d’optimiser leurs coûts et une menace, avec des objets duaux (à l’usage civil et militaire) de plus en plus nombreux à surveiller.