Tous les deux jours, un paysan se donne la mort en France, et, comme l’explique sur le plateau de France 24 Camille Beaurain, veuve d’un éleveur de porc qui a mis fin à ses jours en 2017, c’est le carcan du système qui pousse les fermiers français à commettre ce geste fatal.
Camille Beaurain avait 24 ans lorsque son époux Augustin, de sept ans son aîné, s’est suicidé dans leur exploitation porcine, dans la Somme. Deux ans après le drame, cette jeune femme, qui a entre temps écrit le livre «Tu m’as laissée en vie» qui parle du malaise du monde paysan, s’exprime à l’antenne de France 24 sur les difficultés que vivent les agriculteurs.
C’est le surendettement, dont l’une des causes est la chute des prix du porc, qui a poussé le mari de Camille à commettre ce geste fatal.
«On passe de 1,48 euro à 1 euro le kilo, sans vraiment s’en rendre compte et puis on se dit que ce sera de plus en plus compliqué d’avancer, de payer les factures. Les charges sont lourdes, rien qu’en prélèvements et remboursements bancaires, on a 3.500 euros par mois, à cela s’ajoutent toutes les factures de fournisseurs», explique la jeune femme.
🇫🇷 Un agriculteur se suicide tous les deux jours en #France. Parmi eux, le mari de Camille Beaurain. Il avait 31 ans, elle, 24. Surendetté, il n'a pas supporté de ne pas réussir à vivre de son travail. "Notre monde est devenu fou, il tue les paysans qui l’alimentent" #ParisDirect pic.twitter.com/pcUqrhbSoV
— Pauline Paccard (@PaulinePaccard) September 17, 2019
Mais quand elle aborde la question des revenus personnels, le chiffre est 10 fois moins important: «300 euros par mois pour deux personnes».
«On est dans un système qui est très compliqué, des organismes bancaires, administratifs très lourdes, beaucoup de mises aux normes, beaucoup de contrôles aussi», explique la jeune femme ajoutant que le problème résidait également dans le nombre trop important d’intermédiaires.
«C’est très compliqué de faire face»
«C’est une honte de ne pas réussir à vivre de son travail. Il faut se mettre à la place de l’éleveur qui travaille du lundi au dimanche non-stop et qui n’arrive pas à gagner sa vie et le fait de ne pas être aidé, il ne va pas le dire. Lui, il va plus penser que c’est lui qui fait mal son travail et puisqu’il n’arrive pas à se tirer de salaire, il n’arrive pas à payer ses factures, c’est juste qu’on est dans un système qui va de plus en plus mal, sans aide réelle, du coup c’est très compliqué de faire face», explique Camille qui souligne que l’«agriculteur se suicide à cause de son travail».
En abordant la question de l’aide, elle explique qu’elle n’est perçue qu’une fois par an.
«On ne vit pas qu’avec un mois, il faut tenir 11 mois et c’est compliqué. Des gens croient qu’on ne touche pas des millions, c’est strictement faux. On touche une aide par rapport aux hectares qu’on a, pour certains par rapport à leur élevage. Mais ce n’est pas ça qui nous fait vivre», ajoute Camille, avant de conclure que ce qui fera par contre vivre l’agriculteur c’est le prix.