Propulsée dans l’arène politique depuis l’incarcération de son mari Nabil Karoui, candidat à la présidentielle tunisienne, Salwa Smaoui mène tambour battant la campagne pour le second tour.
« Nabil est en prison et tous les Tunisiens sont en prison… Tous ensemble pour sortir la Tunisie de la prison de la pauvreté. » Début septembre, Salwa Smaoui avait prononcé un discours passionné au début de la campagne électorale de son mari Nabil Karoui, candidat à la présidentielle, lors d’un rassemblement à Gafsa, la plus grande ville du sud-ouest de la Tunisie.
Depuis ce jour, Salwa Smaoui est sous le feu des projecteurs, faisant campagne au nom de son époux emprisonné, pourtant en lice pour le second tour de la présidentielle, où il sera opposé au juriste constitutionnaliste Kaïs Saïed, arrivé en tête du premier tour.
Les demandes de libération formulées par les avocats du magnat controversé des médias, poursuivi pour blanchiment d’argent et évasion fiscale et détenu près de Tunis depuis le 23 août, ont été jusqu’à présent rejetées. C’est donc une nouvelle fois Salwa Smaoui qui doit tenter de convaincre les électeurs de propulser Nabil Karoui, qui ne peut s’exprimer, à la présidence de la Tunisie.
Déterminée et énergique, Salwa Smaoui a joué un rôle clé dans la campagne du premier tour, se rendant avec des membres du parti Qalb Tounes (« le cœur de la Tunisie ») dans de nombreuses régions du pays, où elle s’est adressée en priorité aux populations les plus marginalisées.
Son époux avait gagné en popularité en organisant ces dernières années des actions de charité, diffusées quotidiennement sur la chaîne qu’il avait fondée, Nessma TV. Des actions menées au nom de l’association Khalil Tounes, qui porte le nom de leur fils, décédé en 2016 à l’âge de 20 ans dans un accident de voiture.
Une stratégie défensive
Formée aux États-Unis et ancienne directrice générale de Microsoft Tunisie, dont elle est toujours cadre, parlant couramment l’anglais et le français, Salwa Smaoui est apparue à son aise face aux caméras et lors des meetings. Semblant partager la même maîtrise de la communication que son candidat de mari, elle emploie un langage simple pour défendre le programme « antisystème » de Nabil Karoui, axé sur la lutte contre la pauvreté. Non sans utiliser parfois, en fonction de son auditoire, l’accent du Sud tunisien dont elle est originaire.
Propulsée sur le devant de la scène, elle a adopté une stratégie défensive pour expliquer notamment aux électeurs le principe de la présomption d’innocence, et n’a eu de cesse de dénoncer le traitement réservé à celui qu’elle qualifie de « prisonnier politique », accusant le pouvoir de chercher à éliminer de la course à la présidence un « homme qui dérange ».
« Ton peuple a parlé pour toi »
C’est elle qui, après la fermeture des bureaux de vote le 15 septembre, a annoncé que son mari, surnommé « le Berlusconi tunisien » par ses détracteurs, était qualifié pour le second tour. Elle a lu une lettre du candidat incarcéré, saluant « un jour extraordinaire pour la démocratie et pour l’histoire du pays ».
« Félicitations Nabil ! », a-t-elle déclaré devant les partisans du candidat. « J’espère que tout ce travail que tu as fait ne sera pas vain. » Et de poursuivre : « Je m’adresse à toi en tant qu’épouse et en tant que mère de tes enfants. Tu as entamé une grève de la faim pour deux raisons : parce qu’ils ont voulu étouffer ta voix et parce qu’ils ont décidé de ne pas te laisser voter. Les gens ont ressenti cette injustice, ton peuple a parlé pour toi. Tu n’as pas voté, mais lui, a voté pour toi. » Le candidat avait annoncé, le 11 septembre, faire une grève de la faim pour pouvoir voter au premier au tour. En vain.
Tournée vers le second tour, Salwa Smaoui a appelé les candidats éliminés ainsi que leurs électeurs à soutenir son mari, à qui elle rend visite en prison une fois par semaine, et dont l’avenir, sur le plan judiciaire, reste incertain.