Les ministres de l’Intérieur de cinq pays de l’UE sont réunis lundi à Malte pour s’entendre sur une répartition automatique des migrants, un mécanisme réclamé par l’Italie pour mettre fin aux négociations au cas par cas à chaque sauvetage opéré en Méditerranée.
Réunis pour une journée, les ministres de l’Intérieur allemand, français, italien, finlandais (en tant que président tournant de l’UE) et maltais doivent élaborer un dispositif qui permettra aux pays européens volontaires de se répartir de façon systématique les personnes secourues en mer. Une conférence de presse commune est prévue à 16H00 (14H00 GMT).
« L’Europe doit être mieux préparée et se tenir en première ligne avec des pays comme l’Italie, la Grèce, Malte, l’Espagne et Chypre », a déclaré devant la presse le commissaire européen en charge de l’immigration, Dimitris Avramopoulos, qui participe à la réunion.
« Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur la situation dans cette partie de la Méditerranée », (la Méditerranée centrale), mais nous ne devons pas nier qu’il existe des situations similaires dans d’autres parties de la mer méditerranéenne », a ajouté le commissaire.
Ardemment réclamé par l’Italie, qui accuse ses partenaires de ne pas l’avoir soutenue face à l’afflux de migrants, le mécanisme de répartition se veut temporaire dans l’attente d’une renégociation du règlement de Dublin, qui confie aujourd’hui le traitement des demandes d’asile au pays d’arrivée.
Soutenu par plusieurs pays, à commencer par Paris et Berlin et coordonné par la Commission européenne, le nouveau système doit « garantir à l’Italie ou à Malte une organisation plus solidaire et efficace », a déclaré le président français Emmanuel Macron, lors d’un déplacement à Rome mercredi.
Paris et Rome défendront désormais au sein de l’UE « une position commune pour que tous les pays participent d’une façon ou d’une autre » à l’accueil, « ou bien soient pénalisés financièrement », selon M. Macron.
Pour le Premier ministre italien, Giuseppe Conte, il faut « sortir le thème de l’immigration de la propagande anti-europénne ».
Avec l’arrivée du nouveau gouvernement formé par le Parti démocrate (gauche) et le Mouvement 5 Etoiles (antisystème), l’Italie a assoupli sa politique migratoire après une série de mesures anti-migrants prises par l’ancien ministre de l’Intérieur, le souverainiste Matteo Salvini.
Rome a en particulier rouvert ses ports aux navires de sauvetage en mer. Dimanche soir, l’Italie a autorisé le navire humanitaire Ocean Viking à débarquer à Messine, en Sicile, 182 migrants secourus en mer.
Les ONG SOS Mediterranée et Médecins Sans Frontières qui opèrent l’Ocean Viking ont salué cette décision mais ont jugé « urgent qu’un accord européen soit trouvé », trouvant « inacceptable que des personnes ayant survécu à une traversée très dangereuse soient bloqués pendant des jours voire des semaines avant qu’on ne leur trouve un port sûr ».
Quel « port sûr » ?
Lors d’une réunion informelle en juin à Paris, une quinzaine de pays avaient donné leur accord à la création d’un « mécanisme de solidarité européen ». Huit pays sont prêts à y prendre part « de manière active »: France, Allemagne, Portugal, Luxembourg, Finlande, Lituanie, Croatie, Irlande.
Le Premier ministre hongrois, le nationaliste Viktor Orban a rejeté ce mécanisme de répartition samedi lors d’une visite à Rome.
Seuls les pays volontaires intègreront le nouveau système, qui ne concernera que les migrants arrivant par la mer. Mais des interrogations subsistent.
Qui fera la sélection entre les éligibles au droit d’asile et les migrants dits « économiques » qui n’ont pas vocation à rester en Europe ? Le pays d’arrivée à terre comme le souhaite la France, ou le pays de destination ?
Autre point à éclaircir: la notion de port sûr « le plus proche », prévue par le droit maritime international. L’Italie plaide pour une « rotation » des ports d’accueil, en incluant Marseille par exemple, pour soulager les pays du sud de l’Europe, mais la France se montre réticente.
Selon Matteo Villa, chercheur à l’Institut pour les études de politique internationale de Milan (ISPI), un accord qui ne concernerait que les migrants secourus en Méditerranée centrale « serait perçu comme inéquitable » par les pays d’arrivée se trouvant sur les deux autres routes, de Méditerranée occidentale (Espagne) et orientale (Grèce).
Depuis le début de l’année, seuls 13% des 67.000 migrants irréguliers arrivés en Europe ont débarqué en Italie ou à Malte, contre 57% en Grèce et 29% en Espagne.