Trump et l’Ukraine : d’un appel «amical» à la procédure de destitution

Soupçonné d’avoir fait pression sur le président ukrainien Volodymyr Zelensky pour que celui-ci rouvre l’enquête pour corruption visant le fils de Joe Biden, Donald Trump est visé par une procédure de destitution («impeachment»).

Retour sur les dates clefs qui ont conduit un appel téléphonique à devenir une «question de sécurité nationale».

Les procédures de destitution, très rares contre un président américain, ont déjà été évoquées à de nombreuses reprises sous le mandat de Donald Trump. Après le scandale de l’ingérence russe dans la campagne présidentielle de 2016, c’est l’Ukraine qui apporte le scandale. Donald Trump aurait suggéré à son homonyme ukrainien Volodymyr Zelensky d’enquêter sur le fils de son plus puissant rival démocrate à la présidentielle de 2020, Joe Biden. Rappel de la chronologie des événements, du passage de l’appel «très honnête» à la menace pour Trump d’un départ de la Maison-Blanche.

Jeudi 25 juillet: un appel «très honnête»

Donald Trump appelle son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky pour le «féliciter» après sa victoire électorale du 21 avril. Ils évoquent «les moyens de renforcer les relations entre les États-Unis et l’Ukraine», selon un bref communiqué de la Maison-Blanche. Un appel qui aurait pu être totalement innocent si le président américain n’avait pas gelé quelques jours plus tôt les 391 millions de dollars d’aide à l’Ukraine. La suspension a été présentée comme liée à un «processus inter-organisme», sans plus d’informations. Trump avait en outre demandé à son vice-président, Mike Pence, de ne pas se rendre à l’investiture de Zelensky.

Lundi 12 août: la lettre du lanceur d’alerte

Un membre des services de renseignement rédige une lettre dans lequel il rapporte un «problème urgent» lié à l’Ukraine. En effet, la teneur des propos tenus pendant l’appel a suscité de nombreuses inquiétudes au sein de l’équipe d’une douzaine de personnes qui a écouté la conversation entre les deux présidents. En outre, dans les jours qui suivent, les archives liées à la conversation téléphonique sont retirées du système informatique, à la demande des avocats de la Maison-Blanche afin d’être transférées dans un système électronique ultrasécurisé, réservé aux informations considérées comme étant ultraconfidentielles (notamment liées à la sécurité nationale).

La lettre est examinée par l’inspecteur général des services de renseignement, Michael Atkinson, qui la juge «crédible» et la fait suivre au directeur du renseignement américain (DNI), Joseph Maguire, pour qu’il l’envoie au Congrès. Ce dernier, après avoir consulté la Maison-Blanche et le ministère de la Justice décide de ne pas la faire suivre. Michael Atkinson, estimant que la sensibilité de l’affaire imposait une notification urgente au Congrès, informe directement ce dernier de l’existence de ce signalement, sans en révéler le contenu.

Mercredi 18 septembre: une mystérieuse «promesse»

Les démocrates révèlent par un communiqué que Michael Atkinson sera entendu le lendemain à huis clos par la commission du renseignement de la Chambre des représentants, afin de parler de «la gestion du signalement d’un lanceur d’alerte». Dans la soirée, l’affaire prend une toute nouvelle dimension: le Washington Post affirme que le signalement concerne «les contacts du président Trump avec un dirigeant étranger». Cet échange «inclut une ‘‘promesse’’» qui a profondément «inquiété» son mystérieux auteur.

Jeudi 19 septembre: «Fake News»

Donald Trump réagit pour la première fois, évoquant une «fake news» et souligne qu’il est conscient que ses appels officiels sont écoutés. «Sachant cela, peut-on être assez stupide pour croire que je dirais quelque chose de regrettable à un dirigeant étranger?».

Michael Atkinson est entendu par la commission, mais faute d’autorisation de sa hiérarchie, l’inspecteur général n’a rien pu révéler. «Nous n’avons, obtenu aucune réponse parce que le ministère de la Justice et le Directeur du renseignement national (DNI) n’ont pas autorisé l’inspecteur général à nous parler», a regretté le président démocrate de la commission, Adam Schiff, à l’issue de l’audition.

Dans la soirée, à une minute d’intervalle, le Washington Post et le New York Times révèlent que la plainte concerne l’Ukraine, même si les deux quotidiens, qui citent des sources anonymes, se gardent de tracer un lien direct avec une conversation téléphonique entre Trump et Volodymyr Zelensky.

Dimanche 22 septembre: ils ont parlé de Joe Biden

Trump confirme qu’il a parlé, durant l’appel, de son rival potentiel à l’élection présidentielle de 2020, le démocrate Joe Biden, et de son fils Hunter. Mais cette conversation a été «très honnête», assure-t-il.

Chez les démocrates, des élus jusqu’ici réticents à l’idée de lancer une procédure impopulaire de destitution se rallient à cette idée.

Mardi 24 septembre: les démocrates lancent «l’impeachment»

Peu après 17h, la présidente démocrate de la Chambre des représentants Nancy Pelosi annonce l’ouverture d’une enquête en vue d’une procédure de destitution de Donald Trump.

«Ce n’est rien de plus que la poursuite de la plus grande et plus destructive chasse aux sorcières de tous les temps» s’indigne le milliardaire depuis New York, où il s’était rendu pour l’Assemblée générale des Nations unies.

Mercredi 25 septembre: «pas de pression!»

Le compte rendu de l’appel téléphonique, qui n’est pas un pur verbatim mais un simple résumé, publié par la Maison-Blanche, démontre que Trump a bien demandé au président Zelensky d’enquêter sur Joe Biden.

Les démocrates dénoncent la pression évidente, digne d’un «chef mafieux», exercée selon eux, sur le dirigeant ukrainien. Hasard du calendrier, Trump rencontre Zelensky à New York lors du passage de ce dernier à l’ONU. «C’est mieux de se rencontrer que de se parler par téléphone», lance, taquin, son homologue ukrainien. Évoquant la pression exercée par Trump: «je pense que vous avez tout lu. Je ne veux pas m’impliquer dans les élections aux États-Unis». «En d’autres mots, pas de pression!» résume le milliardaire.

Jeudi 26 septembre:

La lettre du lanceur d’alerte est publiée. Il y accuse le président américain d’avoir «sollicité l’ingérence» de l’Ukraine dans la campagne pour sa réélection en 2020, et la Maison-Blanche d’avoir essayé de garder cette démarche secrète. «C’est une honte», s’indigne le milliardaire. L’opposition, s’appuyant sur le signalement, accuse la Maison-Blanche d’avoir cherché à «étouffer le scandale».