Depuis Marie Curie, l’âge d’or révolu des savants français au Nobel

Pour un scientifique, c’est le Graal, et si les Français valent leur pesant d’or au tableau d’honneur des Nobel, ils accrochent moins de médailles aux murs de leurs labos que la concurrence anglo-saxonne et les nations émergentes.

Du couple Marie et Pierre Curie, co-lauréats avec Henri Becquerel du Nobel de physique en 1903, à Jacques Dubochet, co-lauréat du prix de chimie en 2017, en passant par Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier en 2008 pour la médecine, la recherche française fait bonne figure.

Au début du XXème siècle, la France était la deuxième nation la plus récompensée en physique, chimie et médecine avec huit prix pour 11 lauréats entre 1901 et 1920, juste derrière l’Allemagne, avant de marquer le pas.

A la fin du siècle, elle s’adjugeait la quatrième place, devant le Japon mais loin de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne et surtout très loin des Etats-Unis et de leurs quelque 40 prix pour plus de 70 lauréats.

Entre 1921 et 2000, seuls quelque vingt scientifiques français ont été primés par un Nobel.

Le regain de Nobel français enregistrés ces deux dernières décennies (8 scientifiques primés entre 2001 et 2018) ne permet plus de rattraper la concurrence.

« Après la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis ont fini par dominer le monde scientifique », résume à l’AFP Göran Hansson, secrétaire perpétuel de l’Académie royale des sciences à Stockholm, compétente pour les prix de physique et chimie.

La guerre a entraîné une « fuite des cerveaux » considérable vers les Etats-Unis. A l’instar d’Albert Einstein (qui a toutefois remporté son prix Nobel de physique avant le conflit, en 1921), des milliers de savants, dont de nombreux juifs, quittent le Vieux continent.

Par la suite, les Américains « ont judicieusement investi dans la science, et en particulier dans les sciences fondamentales », explique Göran Hansson.

« Il y a des dizaines voire des centaines de fonds d’investissement, contre quelques-uns en France », explique Etienne Dardenne chercheur français en biologie installé aux Etats-Unis.

Modèle « très compliqué »

Certes « le nombre de publications scientifiques de la France a augmenté de 40% entre 2000 et 2015 », note le Haut conseil de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) dans un étude publiée en 2018.

Mais le « le pays est passé du rang de 5e plus grand producteur mondial au 7e, derrière les Etats-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni ». La Chine publie plus que la France depuis 2006 et l’Inde depuis 2014.

Le mode de fonctionnement de la recherche française est aussi « très compliqué », explique Didier Roux, physico-chimiste et membre de l’Académie des Sciences à Paris.

Au cours du XXème siècle, de grands organismes publics – dont le principal est le CNRS, créé en 1939 – ont vu le jour.

Plus récemment, la France a pris le chemin d' »un modèle anglo-saxon beaucoup plus classique de grandes universités dans lesquelles il y a de grands laboratoires de recherche », explique Didier Roux.

Et ces dernières années, plusieurs établissements français ont fusionné pour former des structures plus importantes et plus autonomes.

Plus de compétition, moins de budget

Procédures administratives trop lourdes, manque de temps et contraintes budgétaires réelles, tout est loin d’être réglé.

« La situation de la recherche française et sa perte d’attractivité ont de quoi alarmer », écrivait dans une tribune publiée en juillet l’Académie des Sciences.

L’argent est un des nerfs de la guerre scientifique.

La France a consacré en 2016 2,25% de son PIB à la recherche et développement, d’après les dernière données de la Banque mondiale, contre 2,74% pour les Etats-Unis, 2,94% pour l’Allemagne et 3,14% pour le Japon.

En 15 ans, la Chine a doublé son budget recherche et développement: alors que le pays ne consacrait l’équivalent d’à peine 1% de son PIB à la recherche au début des années 2000, en 2016 la proportion est passée à 2,1%.

Par ailleurs « il faut que le gouvernement fasse plus d’efforts et que les enseignants chercheurs soient mieux traités », alerte le chimiste français Jean-Pierre Sauvage, prix Nobel 2016.

Selon l’INSEE, un chercheur dans la fonction publique française gagnait en moyenne 3.600 euros en 2016.

Aux Etats-Unis « on peut gagner trois à cinq fois plus en faisant le même boulot », reconnaît Etienne Dardenne, parti de l’autre côté de l’Atlantique par « opportunisme ».

Les Français ne peuvent même pas se consoler d’exceller en mathématiques, discipline oubliée par Alfred Nobel dans son testament.

Au palmarès de la Médaille Fields, considérée comme « le Nobel des maths », les Français comptent 11 médailles, deux de moins seulement que les Américains.

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