Le MAE français en déplacement en Irak pour évoquer le sort des jihadistes français en Syrie

Jean-Yves Le Drian doit discuter jeudi à Bagdad de la création en Irak d’un « dispositif » pour juger les jihadistes du groupe État islamique, alors que l’offensive turque en Syrie fait craindre des évasions de jihadistes étrangers.

 

Alors que l’offensive turque lancée le 9 octobre contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) dans le nord de la Syrie fait craindre des évasions de jihadistes étrangers détenus par les Kurdes syriens, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, se trouve jeudi 17 octobre en Irak pour des discussions.

Le chef de la diplomatie française doit notamment évoquer la création dans ce pays d’un « dispositif » international pour juger les jihadistes de l’organisation État islamique.

Les Européens, premiers concernés par les risques d’attentats, craignent pour leur sécurité si les Kurdes, engagés face aux Turcs, ne peuvent plus tenir les camps de jihadistes prisonniers situés dans l’extrême nord-est de la Syrie, près de la frontière turque.

Environ 12 000 combattants du groupe État islamique, dont 2 500 à 3 000 étrangers, sont détenus dans les prisons sous contrôle des Kurdes, selon des chiffres de sources kurdes. Et les camps de déplacés du Nord-Est syrien accueillent environ 12 000 étrangers, 8 000 enfants et 4 000 femmes.

Le sort des jihadistes français en question

Devant les sénateurs, le Premier ministre Édouard Philippe a déclaré mercredi que Jean-Yves Le Drian devait « discuter avec ses homologues et avec le gouvernement irakien des mesures à mettre en place et, éventuellement, de l’accompagnement qui est susceptible d’être mis en place, notamment en matière de coopération judiciaire ». Car « un certain nombre de ceux qui sont détenus en Syrie par les Kurdes ont commis des crimes en Irak et peuvent donc, de ce fait, le cas échéant, être judiciarisés sur place », a-t-il ajouté.

Une dizaine de jihadistes français détenus par les forces kurdes syriennes ont déjà été transférés fin janvier en Irak pour y être jugés. Interrogé mercredi sur la chaîne BFMTV et la radio RMC sur d’éventuels nouveaux transferts de jihadistes étrangers, notamment français, des camps kurdes où ils sont détenus en Syrie vers l’Irak, Jean-Yves Le Drian a simplement répondu que ces camps ne sont pas pour l’heure menacés.

« À ma connaissance, à l’heure actuelle, l’offensive turque et le positionnement des FDS (alliance kurdo-arabe) n’ont pas abouti à ce que ces camps-là, qui sont essentiellement dans l’est du Nord-Est syrien, soient menacés dans (leur) sûreté et sécurité indispensables », a-t-il précisé.

Les autorités kurdes avaient annoncé dimanche la fuite de près de 800 proches de jihadistes étrangers du groupe État islamique d’un camp de déplacés du nord du pays. De leur côté, les États-Unis ont déclaré mardi ne pas avoir « constaté à ce stade d’évasion majeure » de prisonniers du groupe jihadiste, revenant sur des affirmations du ministre américain de la Défense, Mark Esper, qui avait fait état la veille de la « libération de nombreux détenus dangereux ».

Pence et Pompeo à Ankara

Par ailleurs, toujours sur le plan diplomatique, le vice-président américain Mike Pence et le secrétaire d’État Mike Pompeo, dépêchés par Donald Trump en Turquie, vont tenter jeudi d’arracher un cessez-le-feu dans le nord de la Syrie au président turc Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier a sommé les forces kurdes de déposer les armes et de se retirer de la région.

Vivement critiqué à Washington pour avoir donné un semblant de feu vert à l’opération turque, le président américain a depuis exhorté Ankara à stopper son offensive et autorisé des sanctions contre la Turquie.

« Notre mission est de voir si nous pouvons obtenir un cessez-le-feu, voir si nous pouvons négocier », a affirmé Mike Pompeo à la presse avant de monter à bord de son avion.

En ce qui concerne une trêve, le président turc a d’ores et déjà exclu de « s’asseoir à la table des terroristes », expression désignant les YPG, et soutenu que pour que l’offensive prenne fin, il faudrait que les forces kurdes désarment et reculent.

Sur le terrain, les combats continuent de faire rage, en particulier à Ras al-Aïn, ville située à la frontière turque où les combattants kurdes tentent de repousser l’assaut des forces d’Ankara.

En sept jours, 71 civils, 158 combattants des FDS ainsi que 128 combattants proturcs ont été tués, d’après l’OSDH. Ankara a déploré la mort de six soldats en Syrie ainsi que de 20 civils par des tirs de roquettes des combattants kurdes sur des villes turques.

De plus, l’offensive a provoqué l’exode de 160 000 personnes dans le nord de la Syrie, d’après l’ONU, alors que le Conseil de sécurité s’est inquiété mercredi « du risque de dispersion » des jihadistes retenus prisonniers dans le nord-est de la Syrie, sans toutefois réclamer la fin de l’offensive militaire turque contre les Kurdes.

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