Le président bolivien Evo Morales brigue dimanche un quatrième mandat lors des élections qui s’annoncent comme les plus disputées de l’histoire du pays, entre contestation de la légitimité de sa candidature et opposition qui appelle à un « vote sanction ».
Cette fois, après 14 ans au pouvoir, pas de victoire écrasante en vue au premier tour, comme ce fut le cas en 2006 et lors de ses deux réélections successives. Un des derniers sondages, de l’université publique, le donne en tête (32,3 %) mais suivi de près par son principal adversaire, le centriste Carlos Mesa (27 %), ce qui forcerait le plus ancien président en exercice d’Amérique latine à un second tour.
Là, les choses se corseraient pour lui, car le vote pourrait alors « se transformer en référendum pour ou contre Morales », explique à l’AFP Gaspard Estrada, spécialiste de l’Amérique latine à Sciences Po Paris.
« La stratégie du gouvernement sera de tenter de plier l’affaire le 20 octobre », ajoute M. Estrada.
La décision de Morales de se présenter à nouveau est très mal vue par une partie des Boliviens et fortement critiquée par l’opposition, qui estime que le pays pourrait devenir une autocratie en cas de nouvelle victoire du président indigène de 59 ans.
Il avait ensuite essuyé en février 2016 un cuisant échec lors d’un référendum visant à changer la Constitution pour lui permettre de briguer un quatrième mandat. Le « non » s’était imposé nettement. Mais un peu plus tard, la Cour constitutionnelle l’autorisait à se présenter pour un nouveau mandat, au motif, jugé très discutable par les analystes, que sa candidature relevait de son droit humain.
Son principal opposant Carlos Mesa a rallié ces derniers jours une série de soutiens allant de la gauche à la droite dure au sein d’une opposition divisée. C’est le seul candidat des huit adversaires d’Evo Morales en lice à pouvoir le faire trébucher.
Cet historien et journaliste de 66 ans, déjà à la tête du pays de 2003 à 2005, a pu réunir une partie de l’électorat sous la consigne du « vote utile » face au « vote sûr » avec lequel Evo Morales tente de séduire les électeurs.
« Je pense que tout peut arriver », juge Amaru Villanueva, chargé de l’analyse électorale au sein de la fondation Friedrich-Ebert-Stiftung (FES)-Bolivie.
Selon la FES, Morales l’emporterait avec 44 % des voix, tandis que Mesa obtiendrait 32 % des suffrages. Mais avec 11 % d’indécis, la situation reste imprévisible.
« Certains (électeurs) disent qu’ils déterminent leur vote le jour même du scrutin. Il faut donc prendre avec des pincettes ce que nous disent les sondages », met en garde Villanueva.
Morales a fait campagne en insistant sur sa réussite économique (maintien d’une croissance économique élevée, forte réduction de la pauvreté, niveau record de réserves internationales) qui a fait de la Bolivie un des pays qui possède le meilleur taux de croissance de la région.
« Il est difficile de nier que ces dernières années l’économie bolivienne était au beau fixe sous Evo Morales (…) Mais avec la chute des cours des matières premières, le gouvernement a été obligé d’emprunter davantage et puiser dans les réserves. Le modèle économique bolivien qui a fonctionné durant des années n’est plus tenable », déclare à l’AFP Michael Shifter président du groupe de réflexion Dialogue interaméricain à Washington.
L’opposition a attaqué le gouvernement sur des thèmes comme la corruption, l’insécurité, la hausse du trafic de drogue ou son alliance avec le Venezuela, Cuba ou l’Iran.
Les 7,3 millions d’électeurs boliviens choisissent, outre leur prochain président et vice-président, leurs 136 parlementaires. Les bureaux de vote ouvrent à 08H00 (12H00 GMT) dimanche et ferment à 16H00 locales (20H00 GMT).