Personnalité la plus radicale de l’extrême droite allemande, Björn Höcke affronte dimanche des élections régionales en forme de test, au moment où son parti est accusé d’avoir préparé le terrain au récent attentat antisémite de Halle (est).
Les régionales se dérouleront dans le Land de Thuringe, dans l’ex-RDA, où l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti eurosceptique et anti-migrants, est crédité de plus de 20% des voix.
Le mouvement pourrait au moins doubler son score de 2014 et poursuivre sur sa forte progression constatée dans les plus récents scrutins, notamment en septembre en Saxe et dans le Brandebourg (est).
Le parti d’extrême droite est au coude-à-coude pour devenir la seconde force politique de la région avec les conservateurs de la chancelière Angela Merkel (CDU), derrière la gauche radicale qui dirige ce Land de deux millions d’habitants, le seul qu’elle détient en Allemagne.
Si l’AfD ne peut espérer gouverner la Thuringe après le scrutin, elle va à coup sûr avec sa probable percée fortement compliquer la formation du futur gouvernement: aucun autre parti ne voulant gouverner avec elle, une coalition majoritaire risque de s’avérer impossible à constituer.
La campagne s’est déroulée dans une atmosphère tendue, avec accusations d’un côté envers la rhétorique de l’AfD, et de l’autre menaces de mort à l’encontre de candidats opposés à l’extrême droite.
L’attentat de Halle dans la région voisine de Saxe-Anhalt début octobre, lors duquel un néo-nazi allemand a tué deux personnes et tenté de commettre un massacre dans une synagogue, a mis l’AfD sous pression.
Son candidat Björn Höcke, 47 ans, représentant de l’aile la plus droitière du parti, est accusé par ses détracteurs d’avoir idéologiquement nourri le regain actuel de l’antisémitisme dans le pays par ses déclarations répétées visant à rompre avec la culture de repentance des crimes nazis, fondement de l’après-guerre dans le pays.
L’AfD a dénoncé à ce propos une campagne de « diffamation ».
Marié et père de quatre enfants, cet ancien professeur de lycée avait qualifié en 2017 le Mémorial de la Shoah à Berlin de « monument de la honte ».
Il a aussi défendu l’idée d’une « Allemagne millénaire », une manière de signifier que l’histoire nationale dépasse la seule période nazie, qu’un autre cacique de l’AfD, Alexander Gauland, a pour sa part qualifié de simple « fiente d’oiseau » au regard du passé glorieux du pays.
Le mois dernier, M. Höcke a interrompu une interview télévisée lors de laquelle il était interrogé sur sa rhétorique rappelant celle du leader nazi Adolf Hitler.
Tous ses meetings électoraux polarisent: presque systématiquement, des contre-manifestants, séparés par un cordon policier des sympathisants venus l’écouter, viennent perturber ses discours.
La chancelière Angela Merkel, elle-même cible régulière de l’ultra-droite pour sa politique généreuse d’accueil des migrants en 2015 et 2016, a exhorté après l’attentat de Halle les extrémistes à surveiller leurs « paroles » qui peuvent « se transformer en actes ».
Son parti avait déjà mis en cause en juin l’AfD dans l’assassinat par un néonazi d’un élu pro-migrants du mouvement de la chancelière, Walter Lübcke.
La crainte d’attentats d’extrême droite a plané sur la campagne électorale de Thuringe suite à des menaces de mort reçues par le populaire dirigeant national des Verts Robert Habeck, mais aussi par le candidat conservateur CDU en Thuringe, Mike Mohring.
« La haine ne doit pas l’emporter », a déclaré ce dernier au quotidien Bild après avoir reçu des mails menaçant de le poignarder ou de faire exploser sa voiture s’il n’arrêtait pas sa campagne. « Nous devons serrer les rangs et rester ferme face aux nazis ».
« Höcke est un nazi. D’autres l’ont également remarqué », a déclaré mercredi soir M. Mohring à Erfurt lors d’un débat électoral. Il a de même réitéré sa ferme opposition à s’allier à l’AfD.
Les enquêtes d’opinion restent partagées sur le fait de savoir si l’attentat de Halle aura un impact sur le score de l’AfD dimanche.
« L’AfD obtiendrait un meilleur score sans Björn Höcke », estime dans Bild le politologue Jürgen Falter.