Les élections régionales sont devenues un vrai séisme dans la vie politique allemande

L’extrême droite allemande, emmenée par sa figure la plus radicale, a enregistré une nouvelle forte progression lors d’un scrutin régional dimanche en devançant le parti conservateur de la chancelière Angela Merkel et son partenaire de coalition, le Parti social-démocrate (SPD).

Selon les projections des chaînes de télévision publique, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) est avec 23,5 % arrivée en deuxième position lors de l’élection régionale en Thuringe, dans l’ex-Allemagne de l’est communiste, faisant plus que doubler son score du précédent scrutin de 2014.

Derrière ce mouvement anti-migrants et eurosceptique, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) de Mme Merkel termine à 21,8%, soit un repli de près de 12 points en cinq ans dans cet Etat qu’elle dominait jadis sans partage.

Il s’agit de son plus mauvais score jamais réalisé dans cette région depuis la réunification allemande en 1990. Leur chef de file en Thuringe Mike Mohring a reconnu un « résultat douloureux ».

L’extrême droite a elle parlé d’un « séisme » électoral en sa faveur. Sa figure de proue dans cette région, Björn Höcke, tenant de l’aile plus droitière du mouvement, a estimé que l’AfD, en progression constante depuis 2015 et l’arrivée de centaines de milliers de migrants dans le pays, était « en train de devenir un grand parti populaire national ».

Ce score est d’autant plus notable que l’AfD a été très critiquée juste avant le scrutin suite à un récent attentat antisémite et xénophobe ayant fait deux morts à Halle, dans l’Etat régional voisin de Saxe-Anhalt, et commis par un sympathisant néonazi.

Björn Höcke lui-même s’est vu accuser d’avoir préparé le terrain idéologique pour l’auteur des faits par ses déclarations contre la culture allemande de repentance pour les crimes nazis.

Il a par exemple qualifié le Mémorial de la Shoah à Berlin de « monument de la honte ».

Björn Höcke s’est félicité de voir que son électorat n’ait pas cédé « aux campagnes de diffamation ». La présidente du SPD par intérim, Malu Dreyer, s’est dite « choquée » qu’un tenant de la droite la plus ultra obtienne pareil succès.

L’Est de l’Allemagne confirme avec la Thuringe son statut de bastion du parti. En septembre déjà, l’AfD y avait dépassé à l’Est la barre des 20% dans deux scrutins, en Saxe et dans le Brandebourg. Elle est plus faible dans l’ouest du pays et est créditée au plan national d’environ 15 % des suffrages.

En Thuringe, c’est un autre parti classé aux extrêmes du paysage politique qui l’a emporté, celui de la gauche radicale, héritière du parti communiste est-allemand.

Son porte-drapeau, l’actuel chef du gouvernement régional Bodo Ramelow, est arrivé en tête avec 31 %, un score en progression, 30 ans tout juste après la chute d Mur de Berlin.

Cet ancien syndicaliste a toutefois bâti son succès sur une politique très pragmatique, où il n’hésite pas à privilégier des thématiques chères aux conservateurs comme la sécurité, plus que sur les slogans de son parti à Berlin dont il s’est distancé.

Il lui sera difficile toutefois de se maintenir au pouvoir car ses deux partenaires actuels de coalition, les sociaux-démocrates du SPD et les écologistes, n’obtiennent respectivement que 8,2% et 5,1%. Ils ne sont plus en mesure de lui fournir une majorité.

Et dans le même temps, le parti conservateur refuse de gouverner tant avec la gauche radicale qu’avec l’extrême droite. Ce qui pourrait bloquer toute formation de coalition majoritaire.

Pour la CDU et les sociaux-démocrates, partis traditionnels de gouvernement ayant dominé la vie politique d’après-guerre, ce scrutin constitue une énième déconvenue de nature à fragiliser un peu plus le gouvernement fédéral d’Angela Merkel.

Ces deux formations sont partenaires de coalition mais affichent de plus en plus leur désaccord, comme tout récemment sur la Syrie et la Turquie.

Ce repli est un désastre pour le SPD en particulier, qui lutte pour sa survie au plan national et qui doit en décembre décider du cap qu’il choisit, en même temps que de son futur président: rester ou pas dans la coalition. Les tenants d’une sortie pourraient s’en trouver renforcés.

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