« Abou Bakr al-Baghdadi aurait désigné lui-même, dans son testament, un successeur, auquel les chefs de l’État islamique auraient fait allégeance », affirme Romain Caillet, chercheur et consultant sur les questions islamistes, après l’annonce de la nomination d’Abou Ibrahim Al-Hachimi Al-Qourachi comme nouveau chef de l’État islamique.
Le fondateur de l’Etat islamique est mort le week-end dernier dans un raid américain. Le nom de son successeur a été rendu public dans un message publié par cette organisation terroriste via son organe de communication, Amaq.
Romain Caillet : Ce nom ne me dit rien, mais il faut savoir qu’en général, lorsqu’un responsable de l’État islamique arrive à une nouvelle fonction, il change de pseudonyme, probablement pour ne pas être reconnu plus rapidement par les services de renseignement. Vraisemblablement, il serait un descendant du prophète. Il appartiendrait probablement à une tribu irakienne qui prétend descendre du prophète, ce qui est assez courant dans pas mal de tribus en Irak. L’État islamique prétend être un califat, et dans le sunnisme, le califat doit être un descendant du prophète, contrairement à ce qu’on peut penser en Occident. C’est quelque chose d’assez courant dans le monde arabe.
Abou Bakr al-Baghdadi avait-il choisi son successeur ?
Si on se tient aux propos dits par le nouveau porte-parole de l’État islamique, car le porte-parole de l’État islamique est mort à peu près en même temps qu’Abou Bakr al-Baghdadi, Abou Bakr al-Baghdadi aurait désigné lui-même, dans son testament, un successeur, auquel les chefs de l’État islamique auraient fait allégeance.
Cette nomination signifie-t-elle qu’il existe toujours une organisation structurée à la tête de l’Etat islamique ?
Lorsqu’en 2014, l’État islamique avait proclamé la restauration de son califat, il avait donné l’arbre généalogique d’Abou Bakr al-Baghdadi. Ce qui n’a pas été fait pour son successeur. Est-ce qu’ils ne sont pas en train d’évoluer vers un système plus secret ? Cela pourrait poser des problèmes en termes d’allégeance, car le calife ne doit pas être un inconnu. À partir de 2014, quand l’État islamique s’est installé dans les villes et avait mis en place une administration, quasiment une bureaucratie, Abou Bakr al-Baghdadi était connu de tous. Son prédécesseur masquait sa voix pour ne pas être identifié. Peut-être vont-ils revenir à un mode de fonctionnement plus secret, ce qui est incompatible avec le fait de se proclamer califat, qui devrait devoir l’allégeance de tous les islamistes dans le monde.
Des rescapés de l’attentat du 13-Novembre signent une tribune dans Le Parisien, ils appellent à protéger les Kurdes. Ils craignent que leur retrait, après l’offensive turque, conduise à l’évasion de jihadistes français, qui frapperaient à nouveau. Cette crainte est-elle légitime ?
Le retrait des Américains va fragiliser la lutte contre l’État islamique. Dès l’instant où l’État islamique n’est plus la principale cible dans le viseur des acteurs du terrain, ils ont une certaine marge de manœuvre pour revenir. Je pense que l’État islamique va rester un groupe terroriste influent, mais l’État islamique en tant que puissance militaire, comme il a pu l’être à l’été 2014, je ne pense pas qu’il revienne un jour à ce niveau, à moins d’une crise majeure dans la région.