Les Iraniens pourraient rester sans médicaments vitaux à cause des sanctions américaines

Human Right Watch a enquêté sur la pénurie de médicaments qui touche les Iraniens atteints de maladies rares. L’ONG demande à Washington de faire respecter les exemptions humanitaires prévues dans le cadre des sanctions américaines imposées à l’Iran.

D’après l’ONG, qui s’est entretenue avec des professionnels de santé iraniens et des importateurs pharmaceutiques iraniens et internationaux, les patients atteints de certains cancers, d’épilepsie, d’épidermolyse bulleuse et de lésions oculaires chroniques – causées par l’exposition à des armes chimiques pendant la guerre Iran-Irak – sont les plus menacés par les sanctions économiques américaines contre la République islamique.

« Les enfants épileptiques résistant aux traitements courants et dans l’impossibilité d’obtenir des médicaments importés ont des crises fréquentes et incontrôlables, qui risquent de causer des blessures et, au fil du temps, des lésions cérébrales graves et permanentes », alerte notamment l’ONG.

L’Iran produit 96 % des médicaments que consomme sa population, mais importe plus de la moitié des matières premières entrant dans leur composition, selon le Syndicat iranien des industries pharmaceutiques. Or, l’importation de ces matières premières se retrouve retardée ou empêchée par l’application stricte des sanctions américaines. Téhéran doit également acheter à l’étranger les médicaments nécessaires aux patients atteints de maladies rares, comme l’épilepsie.

« La vaste toile des sanctions américaines a conduit des banques et des sociétés à se retirer du commerce lié à l’humanitaire avec l’Iran, laissant les Iraniens ayant contracté des maladies rares ou complexes dans l’incapacité de recevoir les médicaments ou le traitement dont ils ont besoin », souligne Sarah Leah Whitson, la directrice pour le Moyen-Orient de HRW.

Les sanctions américaines prévoient pourtant des exemptions pour les domaines de l’humanitaire et du médical. Pourtant, « elles ne suffisent pas à compenser la forte réticence des entreprises et des banques américaines et européennes à risquer des sanctions et des poursuites judiciaires en exportant ou en finançant des activités ou des biens médicaux et humanitaires », relève l’ONG dans son rapport. Preuve en est, Human Rights Watch a pu consulter une correspondance de plusieurs banques dans laquelle celles-ci refusent d’autoriser des transactions humanitaires avec l’Iran.

Une situation qui ne risque pas de s’arranger. De nouvelles sanctions ont été imposées le 20 septembre, ciblant cette fois la Banque centrale iranienne, dernière institution financière du pays encore en mesure de se livrer à des opérations de change impliquant des importations humanitaires.

« Le gouvernement américain a instauré un climat de peur qui fait fuir les banques et les entreprises », dénonce Tara Sepehri Far, chercheuse sur l’Iran auprès de la division Moyen-Orient de HRW.

« Leur peur est légitime, les États-Unis ont une responsabilité grave, car ils sont ceux qui ont imposé ces sanctions avec autant de rigidité et ils véhiculent des discours menaçants qui dissuadent tous ceux qui voudraient encore commercer avec l’Iran ».

À titre d’exemple, l’ONG cite le cas d’une société européenne qui, en dépit de l’exemption humanitaire en vigueur, a refusé de vendre des pansements spéciaux dont les patients atteints d’épidermolyse bulleuse ont besoin. « Résultat, ces malades iraniens sont contraints d’utiliser des pansements locaux de substitutions, qui accrochent leur peau fragilisée par la maladie, provoquant d’insoutenables douleurs », raconte Tara Sepehri Far.

Face à ces constats, HRW appelle le gouvernement américain à respecter le droit international, en vertu duquel « un pays ou une coalition d’États appliquant des sanctions économiques devraient prendre en compte l’impact de ces mesures sur les droits humains de la population touchée, en particulier son accès aux biens vitaux, notamment les médicaments et les aliments ». L’ONG demande à Washington de faciliter l’accès des Iraniens aux médicaments et au matériel médical en « œuvrant à la mise en place de circuits financiers viables assortis d’obligations raisonnables pour les entreprises, banques et groupes qui s’occupent de fournir des biens humanitaires à la population iranienne plutôt que de leur imposer des obstacles encore plus lourds ».

L’État iranien n’est pas en reste. « Il a l’obligation de prévenir les affaires de corruption, y compris dans l’importation de médicaments », commente Tara Sepehri Far. « Cette crise sert aussi l’intérêt de personnes hauts placées qui profitent des pénuries pour s’enrichir ».

Les autorités iraniennes ont procédé début septembre à l’arrestation de la fille d’un ancien ministre de l’Industrie. Shabnam Nematzadeh est accusée de s’être emparée d’une partie du marché de l’importation de médicaments, empêchant la circulation des stocks, afin de faire grimper les prix. Un butin qui lui a rapporté plus d’1,5 million de dollars, a annoncé le ministère de la Justice iranien, qui a voulu faire de son cas un exemple.

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