Déjà annoncé par les sondages, le duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen pour la présidentielle de 2022 exaspère l’opposition, qui dénonce un « couple maudit » ou un « piège à loup » aux conséquences imprévisibles.
« Il faut desserrer cette mâchoire entre Le Pen et Macron, qui est comme un piège à loup et qui n’est pas bon pour le débat démocratique », a affirmé lundi François Baroin, fraîchement réintégré dans les instances stratégiques des Républicains.
Dimanche déjà, le député européen EELV Yannick Jadot avait accusé le chef de l’Etat « d’organiser la victoire » de Marine Le Pen à la présidentielle de 2022 en construisant « un couple maudit » avec la cheffe du Rassemblement national.
En cause, un sondage Ifop publié dimanche créditant Emmanuel Macron de 55 % des voix au second tour de la présidentielle de 2022, contre 45 % à Marine le Pen. En mai 2017 le chef de l’Etat l’avait emporté par 66,1 % des voix contre 33,9 % pour sa rivale.
Selon le même sondage, les deux candidats seraient au coude-à-coude au premier tour avec 27 à 28 % des voix chacun, très loin devant les autres. Un précédent sondage Elabe paru mercredi donnait des chiffres comparables (entre 27 et 28 %).
Les sondages, à plus de deux ans de la présidentielle, sont évidemment à prendre avec recul. Qui aurait imaginé l’ascension d’Emmanuel Macron il y a tout juste cinq ans ?
Du côté de LREM, la porte-parole Aurore Bergé assure que « ce duel, ce n’est pas nous (LREM) qui l’avons choisi ». Mais « si on échoue (…), le risque c’est que ce qu’on a réussi à repousser en 2017 puisse arriver en 2022 », a-t-elle affirmé jeudi.
Mais dans l’opposition, ces pronostics font grincer des dents. D’abord parce qu’ils laissent tous les opposants loin derrière: 11 % pour Jean-Luc Mélenchon et François Baroin, 7,5 à 9 % pour Yannick Jadot, 2,5 à 3 % seulement pour le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure…
Surtout, c’est la présumée tactique du chef de l’Etat qui est mise en cause: « Qu’un sondage annonce pour 2022 un 2e tour Macron-Le Pen alors que Macron déploie depuis des semaines une stratégie en ce sens n’est pas étonnant », a assuré sur twitter la députée LFI Danièle Obono.
Comme beaucoup à gauche, Mme Obono avait déjà vivement dénoncé l’interview fleuve accordée par Emmanuel Macron au très conservateur hebdomadaire Valeurs actuelles, quelques semaines après un débat parlementaire sur l’immigration très critiqué à gauche, mais qualifié de « grâce » par le fondateur du Front national Jean-Marie Le Pen.
« Le président a jeté de l’huile sur le feu », selon le patron de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon.
Il « cherche au fond à reprendre les sujets de Marine Le Pen et parfois potentiellement ses propositions pour essayer de construire un duel », déplore Yannick Jadot.
A droite aussi, on s’inquiète. « Oui, il peut y avoir une alternative à Emmanuel Macron qui ne soit pas Marine Le Pen. C’est à nous de la construire en nous rassemblant », avait affirmé début octobre la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse.
Lundi François Baroin a mis en garde contre la mise en scène d' »un bloc centriste et un bloc d’extrême droite » car « l’accepter dans une dualité sans rien dire, c’est accepter le principe de l’alternance un jour » selon lui.
En clair, le front républicain qui a fonctionné pour faire barrage à Marine Le Pen pourrait bien se fissurer si les électeurs rejettent aussi le candidat d’en face.
« Le front républicain a du plomb dans l’aile », estime Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop, en soulignant que « le resserrement est spectaculaire » avec un « rapport de force classique » de 45-55 % au second tour.
« Ma crainte, c’est que l’exaspération monte, et qu’à force, on va finir par faire élire Marine Le Pen », a affirmé le sénateur LR des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi à Public Sénat.
Selon un sondage récent, 65 % des Français se disent « mécontents » de l’action d’Emmanuel Macron à mi-mandat.