Du sentiment d' »enfance volée » à l’incompréhension de l’absence de sanctions, deux jeunes racontent le harcèlement dont ils ont été victimes à l’école et comment il est difficile de rebondir, à l’occasion jeudi de la journée nationale de lutte contre ce fléau qui touche un enfant sur dix.
Le harcèlement a commencé très jeune, à 6 ans, en CP. Comme il savait déjà lire et louchait d’un oeil, on lui a donné des surnoms comme « le bigleux », « le binoclard » ou encore « l’intello de service ». « La nourriture est alors devenue un refuge, une carapace. Je suis devenu le gros de service », raconte le jeune homme qui habite à Lyon.
Au collège s’est ajoutée une dimension « physique »: coups, bousculades, bagarres. À partir de la quatrième, il y a eu le cyberharcèlement.
« Lors d’un voyage scolaire en Espagne, je ronflais en dormant dans le car et on m’a filmé sans que je le sache. La vidéo a été diffusée sur les réseaux sociaux, la catastrophe », se rappelle-t-il.
Ses parents ont alors déposé une main courante. Puis Hugo a déménagé, à une trentaine de kilomètres. « On n’est pas partis assez loin, les élèves de la nouvelle école avaient vu la vidéo. C’était reparti pour un tour », ajoute-t-il.
Une fois au lycée, le harcèlement a pris une tournure plus insidieuse. Hugo a tenu jusqu’en milieu de Première S, puis a été déscolarisé pour être accueilli dans un centre médical. Il était alors en obésité morbide: 115 kilos pour 1,69 m. « A la fois une forme de suicide et aussi d’alerte », résume le jeune homme.
Les médecins identifient un diabète, causé par la prise de poids et les chocs psychologiques du harcèlement. Il finit les six derniers mois de sa scolarité à distance et obtient son bac tout juste.
A l’annonce de résultats médicaux catastrophiques, il a un déclic: « je me suis dis OK, il faut que j’arrête ce cercle vicieux, que je cesse d’être une victime », raconte-t-il.
Depuis son lit d’hôpital, Hugo s’est mis à faire des +lives+ sur les réseaux sociaux avec un projet de lutte contre le harcèlement, de plus en plus visionnés. Il dit alors avoir « trouvé son chemin ».
Aujourd’hui, il affirme avec fierté être « épanoui » mais qu’il reste une douleur, le sentiment qu’on lui a « volé (s)on enfance ».
Pour venir en aide aux victimes, il a créé une association de lutte contre le harcèlement.
Lorenz, 13 ans: « mes harceleurs, eux, ont la belle vie »
Le harcèlement a débuté en classe de 5ème, il y a deux ans. « Tous les jours, durant un an il a subi des insultes de toute la classe. « Sans aucune raison apparente », dit-il.
Au bout de 5 mois, il a fini par en parler à sa famille. « Je ne pouvais plus le cacher, j’étais trop mal, avec la boule au ventre à chaque fois que je me dirigeais vers le collège », se remémore l’adolescent scolarisé à Marseille.
Sa mère a alerté l’établissement. Mais son père, qui avait du mal à accepter la situation le « force » à prendre sur lui pour aller au collège. Une situation « qui rend encore aujourd’hui les relations compliquées avec lui », avoue l’adolescent.
Ce que Lorenz a le plus de mal à comprendre, c’est que les enfants harceleurs n’ont jamais eu de sanctions. « Moi j’ai tout pris en pleine figure, et eux, ils ont la belle vie, comme s’il ne s’était rien passé, c’est injuste et ça rend en colère », dit-il, très touché.
Vient ensuite le temps de l’hospitalisation. Trois semaines, puis encore un mois, en août dernier. Aujourd’hui, Lorenz se rend à l’hôpital trois fois par semaine pour rencontrer des psychologues qui le suivent de près.
« La reconstruction est difficile, je vais un peu mieux mais j’ai toujours des pensées un peu noires, je travaille là-dessus à l’hôpital », poursuit-il.
Il a exclu de changer d’établissement, estimant que cela était « trop compliqué ». « Et puis je ne vais pas me priver des quelques amis que j’ai réussi à me faire », sourit-il.