Le coeur d’Hartlepool, dans le nord-est de l’Angleterre, bat de longue date pour le Labour. Mais dans cette ville de tradition industrielle, comme dans d’autres bastions travaillistes eurosceptiques, le Brexit rebat les cartes à un mois des législatives.

Jadis connue pour ses activités de construction navale et de sidérurgie, Hartlepool a voté à près de 70% pour le Brexit lors du référendum de 2016. De quoi pousser les partis favorables à la sortie de l’Union européenne à tenter de ravir aux travaillistes ces circonscriptions traumatisées par les années Thatcher, vu les hésitations du Labour sur le sujet.

Le Parti travailliste entend, s’il arrive au pouvoir, rejeter l’accord de sortie négocié par le Premier ministre conservateur Boris Johnson, renégocier un accord, et le soumettre à un nouveau vote des électeurs, ce qui est vu par nombre d’électeurs eurosceptiques comme une trahison.

« Le Labour n’a rien fait pour cette ville », peste Pat Stamper, 81 ans, récemment convertie au parti du Brexit, créé cette année par le populiste Nigel Farage, lors d’un événement de campagne de ce mouvement, lundi.

« J’ai été travailliste toute ma vie, j’étais syndicaliste … Mais maintenant, voila », ajoute-t-elle en désignant l’une des pancartes bleues du Parti du Brexit, à qui elle prédit une large victoire dans le coin.

Avec un taux de chômage flirtant avec les 10% (le double de la moyenne nationale), Hartlepool est typique des anciennes villes industrielles du nord de l’Angleterre, laissées pour compte de la mondialisation, qui ont largement voté en faveur de la sortie de l’UE en 2016. En ce lundi après-midi, la rue principale de ce port de la mer du Nord est presque déserte, avec de nombreux commerces vacants.

« On est un peu oubliés », déclare Derrick Nunn, un retraité qui a soutenu le maintien dans l’Union européenne car « mieux vaut un mal que l’on connaît ».

« Quand on était enfant, on nous disait qu’il fallait voter pour le Labour », raconte à l’AFP M. Nunn. Mais Tories ou Travaillistes, « je ne voterai plus pour aucun d’entre eux ».

Alors que le parlement britannique est déchiré par les divisions autour du Brexit, à 360 kilomètres au nord de Westminster, à Hartlepool, c’est le Parti du Brexit qui contrôle désormais le conseil local, une première.

Nigel Farage, qui fut avec Boris Johnson une figure de la campagne du « leave » lors du référendum de 2016, a renoncé lundi à disputer aux conservateurs au pouvoir plus de 300 sièges lors des élections du 12 décembre. Il était accusé de risquer d’éparpiller les voix pro-Brexit et de favoriser au final une remise en cause de la sortie de l’UE.

Son parti compte toujours présenter des candidats dans des centaines d’autres circonscriptions et porte notamment ses espoirs sur les villes travaillistes et eurosceptiques comme Hartlepool.

Le député travailliste sortant Mike Hill, qui l’avait emporté avec une majorité de près de 8.000 voix lors des dernières élections en 2017, semble vulnérable.

« Voilà ce que je promets aux électeurs de Hartlepool: Je vais faire un bon Brexit, je vais créer de l’argent et des emplois », a déclaré à l’AFP le président du parti du Brexit, et son candidat local, Richard Tice.

Les conservateurs au pouvoir, dont la popularité a grimpé avec l’arrivée de Boris Johnson à Downing Street en juillet, ont également flairé l’opportunité.

La classe ouvrière du nord de l’Angleterre éprouve cependant une défiance envers les Tories depuis les années 1980, quand l’ancienne Première ministre conservatrice Margaret Thatcher avait fermé les mines de charbon de la région.

Ses successeurs au gouvernement comptent sur le Brexit pour restaurer leur image mais à Hartlepool, la victoire s’annonce difficile face à un Parti du Brexit très motivé et un mode de scrutin à la majorité simple.

« En tant qu’anciens partisans du Labour, nous ne pouvons pas voter pour les conservateurs », expose Stephen Little, 50 ans, même s’il avoue qu’il aime bien Boris Johnson.

« Beaucoup de gens autour de nous sont très déçus au sujet du Brexit », toujours pas réalisé trois ans et demi après le référendum, ajoute-t-il. « Le (parti) du Brexit arrive et c’est celui que nous soutiendrons ».