A deux semaines du sommet de l’Otan à Londres, la France et l’Allemagne ont fait mercredi des propositions pour calmer les tensions provoquées par les critiques du président français Emmanuel Macron contre l’Alliance en état de « mort cérébrale » et engager une analyse des grands enjeux de sécurité collective.
Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, a proposé la constitution d’un comité d’experts présidé par le secrétaire général Jens Stoltenberg pour renforcer le processus politique au sein de l’Alliance, une organisation militaire.
Son homologue français Jean-Yves Le Drian a formulé une proposition similaire.
« Un petit groupe de personnalités éminentes » serait notamment chargé de réfléchir sur « la relation de l’Otan avec la Russie » et sur « les futurs grands enjeux de sécurité collective, comme la menace terroriste, la Chine et l’impact militaire des grandes ruptures technologiques », a précisé le ministre dans son intervention au début de la première session de travail.
Jens Stoltenberg s’est refusé à tout commentaire sur la proposition française au cours de son point de presse à l’issue de cette première session. Il a en revanche déclaré que la proposition présentée par Heiko Maas avait « beaucoup de mérite et d’intérêt » et qu’elle avait reçu « le soutien de nombreux alliés ».
M. Stoltenberg se rendra à Paris à la fin de la semaine prochaine pour rencontrer le président Macron.
Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo n’a pour sa part pas souhaité se prononcer sur les deux propositions. « Je ne pense pas que ce soit le bon moment ni le bon format », a-t-il déclaré au cours de sa conférence de presse.
Le diagnostic brutal du chef de l’Etat français et la critique du leadership américain ont choqué à l’Otan.
« Le mal est fait. Maintenant il faut limiter les dégâts afin d’afficher l’unité lors du sommet de Londres », a commenté un diplomate de haut rang.
« L’Otan est déstabilisée par trois problèmes: le comportement du président américain Donald Trump, le comportement de la Turquie et le comportement de Macron », a-t-il souligné.
Les ministres devaient traiter des questions stratégiques au cours d’un dîner de travail. L’espace va devenir au sommet de Londres une nouveau terrain d’opérations de défense pour l’Alliance dont les membres ont près de 1.000 satellites en orbite. Mais il n’est « pas question d’organiser la guerre des étoiles », avertissent les responsables de l’Alliance.
« L’Otan n’a pas l’intention de déployer des armes dans l’espace », a soutenu Jens Stoltenberg. « Mais il faut tenir compte des dangers posés par certains dans l’espace, à cause de la vulnérabilité des satellites », a expliqué un diplomate.
L’Otan veut également se positionner face à la montée en puissance de la Chine, « second budget militaire du monde et très présente dans le cyberespace », a expliqué le secrétaire général Jens Stoltenberg. Un rapport est préparé pour le sommet et « il sera équilibré », a jugé le diplomate.
La crispation des alliés contre la France n’est pas une surprise. « On ne cherche pas à gagner un concours de popularité, mais on veut être écoutés et entendus », explique-t-on à Paris.
Mais les alliés redoutent les réactions de Donald Trump, confronté à une procédure de destitution et qui a vu mercredi Mike Pompeo fragilisé par le récit d’un ambassadeur dans l’affaire ukrainienne.
Les Etats-Unis ont une priorité: le partage du fardeau des dépenses pour la Défense et ils sont toujours insatisfaits malgré les efforts des Européens.
La réunion de Londres sera largement dominée par cette question. L’Allemagne ne veut plus subir les foudres de Donald Trump. Son budget pour la défense a été augmenté et devrait se monter à 50,3 milliards d’euros en 2020, soit 1,42 % de son PIB, encore loin des 2% promis et attendus par le président américain. « De nouveaux chiffres sur les contributions des alliés seront publiés avant le sommet », a assuré Jens Stoltenberg.
La France dit ne pas redouter l’épreuve. « La France est un allié crédible, car elle contribue à la sécurité transatlantique par son budget de défense, sa dissuasion nucléaire et ses opérations militaires, y compris de haute intensité, et notamment ses efforts en matière de lutte contre le terrorisme dans le Sahel ou le Levant », a affirmé Jean-Yves le Drian.