Ayant échoué à faire agir Berlin, Emmanuel Macron laisse Angela Merkel derrière et veut assurer le rôle de leader de l’Union européenne, écrit le groupe médiatique Bloomberg qui n’exclut d’ailleurs pas que son projet puisse aboutir.
«Dans un bureau minimaliste du centre de Paris, les collaborateurs d’Emmanuel Macron ont passé des mois à calculer quelles idées de leur chef pourraient troubler le plus ses alliés. Sous des affiches électorales rétro, collées sur des murs blancs et nus, les conseillers calculent ce qui enragera le plus les Allemands et ce qui pourra être fait à moindre frais, ce qui permettra d’attirer le plus l’attention», écrit Bloomberg, qui se réfère aux propos d’une source présentée comme proche du dossier.
D’après ce média, le modèle en question comprend l’analyse de l’impact de démarches telles que l’adhésion de nouveaux pays au sein de l’Union européenne, la restriction de la libre circulation des personnes et la coopération en matière de défense.
«Ajoutez à cela un avertissement provocateur sur les échecs de l’Alliance atlantique et on arrive à la phase numéro deux du plan de Macron pour refaçonner l’Union européenne», écrivent les auteurs de la publication.
Deux ans et demi après son arrivée au pouvoir, le Président Macron cherche à consolider sa position de premier leader européen. Après avoir échoué à convaincre Berlin de passer à l’action, il progresse seul sur cette voie, en dépit des difficultés qu’il rencontre, écrit Bloomberg.
L’article cite ensuite Martin Quencez, chercheur à l’institut The German Marshall Fund qui estime que «Macron considère que nous sommes témoins de l’émergence d’un monde bipolaire et il voudrait que l’Europe soit un acteur et non un pion dans ce jeu».Si ce «massacre des vaches sacrées de l’UE» met en colère les anciens partenaires de l’Hexagone, cela stimule en même temps les débats jadis étouffés, crée de nouvelles alliances et pourrait aboutir à un résultat, selon Bloomberg.
D’après l’équipe de Macron, l’UE ne peut plus opter pour la recherche de consensus et de changements progressifs vu les défis auxquels elle est confrontée et, comme l’estime un officiel, le statu quo pourrait s’avérer mortel pour l’Union européenne.
En la Russie, Emmanuel Macron voit un possible allié, expliquent les auteurs de l’article pour qui le placement de Moscou sur l’orbite européenne et non sur la chinoise pourrait aider à modifier l’équilibre sur le «supercontinent Eurasien».
Et si le Président de la République a déjà entrepris des démarches en vue de refonder les relations entre l’UE et le Kremlin –il a notamment déjà accueilli à deux reprises le Président Poutine– ses récentes initiatives ne se concentrent pas sur Moscou, mais sur la puissance européenne.«Alors que la Chine s’impose de plus en plus et que les États-Unis sont de moins en moins fiables, Macron demande à l’UE de mettre en place des mécanismes lui permettant d’exercer son pouvoir en tant qu’acteur géopolitique plus cohérent», poursuivent les journalistes.
Et d’ajouter que certains responsables voyaient dans ces démarches le réveil dont le Vieux Continent a besoin. Toutefois, si, en coulisses, certains diplomates avouent que leurs gouvernements approuvent la vision des choses d’Emmanuel Macron, rien n’est prononcé à haute voix.
Cependant, ce qui repousse, d’après Bloomberg, c’est le ton «autocratique, arrogant» du Président français et le fait qu’il agisse seul, alors que la collaboration pourrait donner de meilleurs résultats.
«Les responsables européens ont été assez réceptifs au contenu du message de Macron», a déclaré Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique basée à Paris. «Mais ils ont été rebutés par le style».
Or, comme le souligne Bloomberg, pour comprendre la realpolitik du Président français, il faut regarder «où il construit des ponts» et «où il les brûle».
Toujours d’après Tertrais, Macron donne une vision géopolitique du monde «très cohérente» et serait «le seul dirigeant occidental à en avoir une».