Le gouvernement le reconnaît: les enseignants pourraient faire partie des perdants de la réforme des retraites si elle ne s’accompagne pas de revalorisations salariales.
Faute de garanties suffisantes, la profession s’apprête à se mobiliser massivement le 5 décembre.
Quasiment tous les syndicats ont appelé à participer au mouvement de grève interprofessionnel qui s’annonce très suivi dans les écoles du pays et dans le monde enseignant, inquiet du futur système universel de retraite.
Le chef de l’Etat lui-même a reconnu que les enseignants seront lésés si le passage au nouveau système ne s’accompagne pas d’autres changements dans leur carrière.
En effet, la future réforme prendra en compte dans le calcul des pensions l’ensemble de la carrière, contre les six derniers mois actuellement. En compensation, les retraites intègreraient les primes et indemnités.
Or « le niveau moyen des primes de la fonction publique c’est 22 %, le niveau moyen des primes des enseignants c’est 9 %. Celui de l’école maternelle, c’est 4 % », a rappelé vendredi le haut-commissaire aux Retraites Jean-Paul Delevoye.
« Les enseignants sont pénalisés si nous appliquons sans correction le système », a-t-il convenu.
« Du fait du montant plus limité de leur régime indemnitaire, le niveau de pension des enseignants se dégraderait très progressivement et au fil des générations par rapport à celui des corps comparables de la fonction publique », a aussi admis Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education nationale, dans un courrier adressé en novembre aux syndicats.
La FSU a fait ses calculs: « Pour un collègue qui démarrerait en 2025 [date prévue de l’entrée en vigueur de la réforme], la baisse de pension équivaudrait à 900 euros par mois » par rapport aux montants actuels, indique Régis Metzger, co-secrétaire général du Snuipp, le premier syndicat du primaire.
Les pertes seraient comprises entre 300 et 600 euros pour des professeurs des écoles actuellement en fonction, selon ses simulations.
« Du mépris »
Actuellement, un enseignant touche en moyenne 2.600 euros brut à la retraite (2.500 euros dans le premier degré, 2.850 euros dans le second degré).
Reçus à plusieurs reprises au ministère avec Jean-Paul Delevoye, les syndicats enseignants ont réclamé au gouvernement « un engagement solide » sur la revalorisation des salaires.
Or, à l’issue de la dernière réunion, aucune annonce de mesures « sonnantes et trébuchantes » n’a été faite, a déploré le SE-Unsa, syndicat considéré comme réformiste.
Pour le moment, l’heure est au « diagnostic », fait-on valoir au ministère, en ne s’engageant sur aucun scénario concret de revalorisation. Cette deuxième phase devrait intervenir à partir du mois de janvier, quand le projet de réforme aura été finalisé.
« Les enseignants se sentaient déjà déconsidérés, là on ressent carrément du mépris », grince Régis Metzger. « Alors que les personnels sont préoccupés par une dégradation de leurs conditions de travail, s’ajoute cette réforme qui apporte de l’inquiétude et qui est illisible: nul ne sait combien il touchera de retraite in fine ».
Pour tenter de rassurer les personnels, M. Blanquer a souligné dans son courrier que la mise en place du nouveau système s’accompagnerait « d’une revalorisation salariale permettant de garantir le même niveau de retraite pour les enseignants que pour des corps équivalents de la fonction publique ».
« Cet engagement sera formalisé dans le projet de loi créant le système universel », a-t-il promis.
Cela n’a pas permis de dissiper les inquiétudes d’une profession qui se sent régulièrement malmenée et déconsidérée.
En octobre, les propos d’Emmanuel Macron avaient aussi jeté le trouble dans les rangs des professeurs quand il avait dit envisager des compensations salariales mais avait aussi évoqué une réflexion sur le temps de travail et les périodes de vacances.
Pas de quoi rendre attractive une profession déjà en mal de recrutement, préviennent les syndicats.
En toile de fond de la réforme des retraites, « il y a un vrai sujet d’attractivité du métier », reconnaît-on au ministère.