La Turquie se dit prête à envoyer des troupes en Libye pour soutenir son gouvernement

Le président Recep Tayyip Erdogan a affirmé ce mardi que la Turquie était prête à envoyer des troupes en Libye pour soutenir le Gouvernement libyen d’union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, aux termes d’un récent accord signé entre les deux parties.

« Si la Libye formule une telle demande nous pourrons envoyer nos personnels (militaires), surtout que nous avons conclu un accord militaire », a déclaré Erdogan.

L’accord « de coopération militaire et sécuritaire » a été signé le 27 novembre lors d’une rencontre à Istanbul entre Erdogan et Sarraj. Selon Ankara, ce protocole « est une version plus large » d’un accord-cadre de coopération militaire existant » entre les deux parties et « renforce les liens entre » les deux armées. Fayez al-Sarraj est notamment soutenu par la Turquie et le Qatar. L’Italie, ancienne puissance coloniale en Libye, semble aussi en sa faveur.

Son rival Khalifa Haftar, homme fort de l’est libyen dont les forces ont lancé en avril une offensive contre la capitale Tripoli, bénéficie de son côté du soutien de l’Egypte et des Emirats arabes unis. La France, à son tour, a été accusée de le privilégier, ce dont elle se défend.

Erdogan a affirmé ce mardi que les forces de Haftar bénéficiaient aussi « du soutien d’une compagnie de sécurité russe qui s’appelle Wagner. « Cette compagnie a envoyé des personnels sur place », a-t-il ajouté. Erdogan semble ainsi donner du crédit à des informations de presse, démenties par Moscou, sur la présence de mercenaires russes en Libye.

Le journal américain New York Times avait en effet fait état début novembre du déploiement en Libye de près de 200 mercenaires du groupe Wagner, entreprise russe de sécurité privée.

Outre l’accord militaire, la Turquie et le GNA avaient conclu le 27 novembre un accord de délimitation maritime qui permet à Ankara de faire valoir des droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale convoitées par d’autres pays, notamment la Grèce.

Erdogan avait affirmé lundi soir que la Turquie et la Libye pourraient mener des activités d’exploration conjointes au large de Chypre, dans une zone qui recèle d’importants gisements de gaz, à la faveur de cet accord.

La Grèce a de son côté appelé ce mardi les Nations unies à condamner cet accord maritime entre la Turquie et la Libye qu’elle qualifie de « perturbateur » pour la paix et la stabilité en Méditerranée orientale, a déclaré le porte-parole du gouvernement. Athènes « veut que l’accord soit porté à l’attention du Conseil de sécurité de l’ONU afin qu’il puisse être condamné », a ajouté Stelios Petsas devant la presse.

Le gouvernement de Kyriakos Mitsotakis a envoyé des lettres séparées soulevant la question auprès du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et du Conseil de sécurité de l’ONU, a précisé Stelios Petsas.

Cet accord, qui délimite des frontières maritimes entre les deux pays, « ignore la présence des îles grecques dans cette zone maritime, y compris l’île de Crète, et viole leur droit à créer des zones maritimes comme n’importe quel territoire terrestre », écrit l’ambassadrice grecque aux Nations unies, Maria Theofili, dans une lettre au secrétaire général de l’ONU.

« La Turquie et la Libye n’ont ni zones maritimes superposées ni frontières communes et par conséquent, il n’y a aucune base juridique pour conclure légalement un accord de délimitation maritime », peut-on encore lire dans ce courrier daté de lundi. Il a été conclu « de mauvaise foi », selon le porte-parole grec, et demeure « invalide car il n’a pas été approuvé par le Parlement libyen », contrôlé par une faction rivale du gouvernement de Tripoli.

Depuis sa signature, la Grèce condamne vivement cet accord, le qualifiant vendredi de « violation du droit maritime international et des droits souverains de la Grèce et d’autres pays ». Elle a annoncé l’expulsion de l’ambassadeur libyen à Athènes.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a persisté lundi en annonçant qu’il envisageait « des activités d’exploration conjointes » avec la Libye au large de Chypre, dans une zone qui recèle d’importants gisements de gaz.

« Avec cet accord, nous avons augmenté au maximum le territoire sur lequel nous avons autorité. Nous pouvons mener des activités d’exploration conjointes », a déclaré Erdogan lors d’une interview accordée à la télévision publique TRT. Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis estime que l’accord « a déjà entraîné l’isolement diplomatique de la Turquie ».

L’accord a été « dénoncé par les Etats-Unis, l’Union européenne, l’Égypte et Israël », avait-il dit devant le Parlement grec. Le Premier ministre doit rencontrer ce mardi après-midi l’ambassadeur des États-Unis à Athènes Geoffrey Pyatt, avant sa visite à la Maison Blanche le 7 janvier.

Son ministre des Affaires étrangères Nikos Dendias, en contact avec ses partenaires européens et avec l’Égypte sur ce dossier, a estimé que la Turquie avait fait du « chantage » à la Libye pour signer cet accord. Il a jugé sur la chaîne télévisée ANT1 que l’entente turco-libyenne était « clairement » liée aux revers subis par le gouvernement de Tripoli face au maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est libyen.

Le président du Parlement libyen Aguila Saleh Issa, allié du maréchal Haftar, qui selon Athènes s’est déclaré « contre cet accord », est attendu cette semaine à Athènes. Porte d’entrée de milliers de demandeurs d’asile, la Grèce, membre de l’Otan comme la Turquie, maintient des relations délicates avec sa voisine d’où les migrants arrivent de plus en plus nombreux sur les îles grecques depuis cet été.

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