Quelques heures avant l’allocution du Premier ministre, prévue mercredi midi, une dernière réunion se tient mardi soir à l’Elysée où Emmanuel Macron réunit les ministres impliqués et les cadres de la majorité, à la fin d’une nouvelle journée de manifestations.

L’occasion d’un ultime « calage » et de « mettre en cohésion » la majorité, chargée de convaincre une opinion très méfiante du bien-fondé de cette « réforme de progrès et de justice sociale », selon l’Elysée.

Dès la fin de matinée, Edouard Philippe a pu sonder l’état d’esprit des troupes et écouter les remontées du terrain devant le groupe parlementaire de la majorité. Selon des participants de cette réunion à huis clos, plusieurs députés « ont insisté sur l’idée que reculer serait une lourde perte de crédibilité », alors que le chef de l’Etat a érigé la « transformation » du pays en raison d’être de son quinquennat.

« Je ne crois pas aux annonces magiques (…) Ce n’est pas parce que je fais un discours (mercredi midi) que les manifestations vont cesser », leur a répondu le Premier ministre, en quête du « ton qui va bien: celui d’une grande détermination, très tranquille, et celui du respect des parcours individuels ».

« Ce discours va même susciter de nouvelles questions. Et c’est normal. Il y aura des questions et il y aura des débats dans l’hémicycle sur des sujets légitimes », a-t-il ajouté, renvoyant à l’examen du projet de loi à l’Assemblée, a priori début 2020. Dénonçant un « mépris jupitérien », le patron des députés LR, Damien Abad, avait demandé, en vain, la tenue d’un tel débat dès mercredi.

Emmanuel Macron continue de son côté à consulter. Dans la nuit de lundi à mardi, après la rencontre à l’Elysée consacrée à l’Ukraine, le chef de l’Etat s’est contenté d’une brève allusion au mouvement social en évoquant « une réforme indispensable ».

« Je n’ai pas senti une grande inquiétude », a-t-il dit, rassurant au passage, avec une pointe d’ironie, son homologue russe Vladimir Poutine « que les manifestations à Paris ne concernaient absolument pas la réforme des retraites menée en Russie ».

Des propos aussitôt dénoncés par l’opposition. « Il rigole, il ricane, il dit qu’il n’y a pas d’inquiétude et ne voit pas où est le problème », a dénoncé Guillaume Peltier, numéro deux des Républicains, fustigeant « l’amateurisme » et « l’outrecuidance » d’Emmanuel Macron, « premier responsable » des grèves.

« Sérieusement, il y a un pays entier qui est en train de se lever et ça le fait rire, il n’est pas inquiet? Mais il devrait être inquiet ! », a ajouté le député LFI Alexis Corbière brocardant le « droit dans ses bottes version Macron ».

Pour de nombreux députés de la majorité, l’enjeu est de taille car « une grosse partie de notre potentiel politique et de notre mandat se joue cette semaine », selon Fabien Gouttefarde, élu en Marche de l’Eure.

« C’est une réforme qui nous lie et nous avons la volonté d’aller au bout », assure le député Pieyre-Alexandre Anglade à l’AFP. « Il faut néanmoins beaucoup, beaucoup expliquer » car « c’est normal que la réforme inquiète », selon lui.

Si 76% des Français se disent favorables à une réforme des retraites (76%), 64% ne font pas confiance à Emmanuel Macron et au gouvernement pour la mener à bien, selon un sondage Ifop publié par Le Journal du dimanche.

Dans cette « bataille de l’opinion », l’exécutif est surtout critiqué de toutes parts sur la méthode avec laquelle il mène son projet depuis près de deux ans, marquée par un flou qui a exacerbé les inquiétudes des Français.

« Vivement mercredi », répond le député LREM Laurent Pietraszewski qui a « l’envie d’avoir un projet concret à défendre » et « d’aller dans le détail » d’un projet inscrit selon lui « dans l’ADN » macroniste.