La Cour suprême polonaise a mis en garde mardi contre un projet de loi destiné à sanctionner les juges contestant les réformes judiciaires en cours, estimant qu’il risque, à terme, de faire sortir la Pologne de l’Union européenne, relate l’AFP.
La Cour Suprême a publié un commentaire de 40 pages, estimant notamment que le projet déposé jeudi dernier par des députés du parti conservateur nationaliste Droit et Justice (PiS) est une «tentative de forcer les juges (…) à appliquer toutes les régulations votées par la majorité au pouvoir», même si un tribunal les juge «incompatibles avec des normes légales supérieures».
Ce texte prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à l’exclusion pour les juges qui remettraient en cause la légalité de la nomination d’un autre juge, ainsi que pour «des activités à caractère politique» ou qui peuvent «nuire au fonctionnement du système de la justice».
Le pouvoir présente ce projet comme destiné à éviter le chaos dans le système judiciaire polonais.Pour l’opposition, le risque de chaos vient précisément des réformes controversées et critiquées par la Commission Européenne, tandis que la loi à venir apparaît comme une «tentative de bâillonner» les magistrats contestataires.
La Cour Suprême, pour sa part, estime «très probable» que ce texte, une fois adopté, conduira au «déclenchement par les institutions européennes d’une procédure pour constater le non-respect par la Pologne des engagements découlant des traités, et, à plus long terme, à la nécessité de quitter l’Union Européenne».
Plusieurs organisations de magistrats, ainsi que la Fondation Helsinki pour les droits de l’Homme et le Comité de défense de la démocratie (KOD, opposition) ont appelé à des manifestations contre le projet de loi mercredi soir, devant le parlement à Varsovie et devant les tribunaux dans une centaine d’autres villes polonaises.
Pour Danuta Przywara, présidente de la Fondation Helsinki en Pologne, l’entrée en vigueur de ce texte marquerait «la fin de la séparation des pouvoirs et le retour au pouvoir unique que nous avons connu à l’époque de la Pologne communiste»
L’initiative des conservateurs vient en réaction à un jugement rendu début décembre par la Cour Suprême, en vertu d’un avis de la Cour de Justice de l’UE.
La CS avait estimé que le nouveau Conseil de la magistrature (KRS), l’organe qui nomme les juges, n’offrait pas de garanties d’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, remettant en question un volet des réformes voulues par le pouvoir.