Les attentats se multiplient au Sahel malgré la présence de plusieurs forces militaires, dont Barkhane. La guerre contre le terrorisme est loin d’être gagnée. Dans ce contexte, Antoine Glaser, rédacteur en chef de La Lettre du Continent, met en doute le succès de l’opération Barkhane avec les moyens de la France dans la région.
Avec la recrudescence des actions terroristes dans la région du Sahel, non loin du Mali, le maintien de l’opération Barkhane est-il justifié? Le journaliste et écrivain Antoine Glaser, fondateur et rédacteur en chef depuis 26 ans de La Lettre du Continent, papier confidentiel bimensuel consacré à l’Afrique, revient sur les événements survenus récemment au Sahel, le rôle de la France et la décision surprise par Emmanuel Macron d’annuler le sommet France-G5.
Le journaliste met en doute la réalisation de l’opération Barkhane avec les moyens des forces armées françaises. Selon lui, 4.500 soldats ne suffisent pas pour lutter contre les groupes armés salafistes djihadistes sur un territoire qui s’étend de la Mauritanie au Tchad.
Il compare la situation avec la guerre en Afghanistan où les États-Unis avaient «40.000, 50 000 soldats, même peut-être 70.000 à un moment donné, sur 600.000 kilomètres carrés.»
Dans le même temps, la mission de l’Onu MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali), dont l’effectif s’élève à 12.640 hommes, diffère de l’opération française par sa mission: le maintien de la paix. Toutefois, bien qu’il y ait des actions en cours dans la région, les populations africaines ne comprennent pas les attaques régulières des djihadistes, raconte l’expert.
«La France risque d’être mêlée à des conflits intercommunautaires alors que sa mission, c’est la lutte contre les djihadistes. Et tout se mélange. La difficulté, c’est de sortir de l’ambigüité de cette présence militaire française qui laisse croire qu’elle va régler tous les problèmes», explique-il.
Fin novembre, Emmanuel Macron a annoncé que toutes les options étaient sur la table quant au maintien de l’opération française. Il a appelé les Européens à s’engager à ses côtés.
Pour l’instant, la France est «assez isolée», non seulement en matière de forces, mais aussi de financement, raconte le journaliste, justifiant l’ambiguïté de l’Élysée sur la question du maintien de Barkhane en sa forme actuelle.
Après la mort de 13 soldats français dans un accident au Mali, Emmanuel Macron a convié à Pau le 5 décembre les dirigeants du G5 Sahel, rencontre qu‘il a dû reporter après l’attentat djihadiste contre le camp militaire d’Inates, dans l’ouest du Niger, qui a coûté la vie à 71 soldats.
«Cela ressemblait plus à une convocation qu’à une invitation», a réagi M.Glaser. Et de poursuivre: «Ensuite, à Pau, c’était aussi assez humiliant. On a l’impression qu’on va leur faire porter la responsabilité de la mort des soldats français.»
Le sommet entre le «G5S» et la France se tiendra finalement le 13 janvier à Pau.
Des attaques meurtrières sont régulièrement commises par des groupes affiliés à Daech* dans des régions proches du Mali. Le cœur du problème réside dans le fait que les États n’assurent plus l’essentiel au niveau de la vie des populations, par exemple dans les domaines de la santé ou de l’éducation, explique le journaliste.
«Du coup, les djihadistes, dans un certain nombre de villages, remplacent les États. Ce n’est pas simplement une question militaire. C’est une question politique, sociale et économique», conclut Antoine Glaser, qui dénonce l’abandon de l’État.
*Organisation terroriste interdite en Russie