La mobilisation contre la réforme des retraites entre dans sa troisième semaine, sans grand espoir de compromis du gouvernement, qui reçoit jeudi le bloc des partenaires sociaux alors que les cheminots refusent toujours l’idée d’une trêve.
Au 15e jour d’une grève illimitée, malgré un léger mieux, les difficultés continuent pour les usagers de la RATP et de la SNCF, qui doit dire dans la journée quels trains circuleront entre le 23 et le 26 décembre.
Deux TGV sur 5 (contre 1 sur 3 mercredi), 4 TER sur 10 et un Transilien sur 4 étaient prévus. Du côté de la régie des transports parisiens, la situation est « conforme » à celle annoncée avec six lignes de métro totalement fermées (deux de moins que la veille) et un léger mieux sur la 10. Les RER A et B ne rouleront qu’aux heures de pointe.
« J’avais un train le 22 décembre qui a été annulé. Je me suis rendue dans une gare près de Versailles pour changer mon billet et ils étaient incapables de me dire comment faire, ils m’ont donné un numéro de téléphone qui n’existait pas », explique Gare de Lyon Jessica, étudiante de 18 ans qui rentre à Toulon dans sa famille. « J’ai finalement pu changer, mais même pour venir jusqu’ici à la gare (…), j’ai dû laisser passer plusieurs bus », ajoute-t-elle.
La CGT, Force ouvrière, la CFE-CGC, Solidaires et la FSU, qui réclament le retrait pur et simple du projet de système universel de retraite à points, ont appelé à de nouvelles actions locales jeudi et jusqu’à fin décembre.
A Val-de-Reuil (Eure), depuis 4H30, aucun camion n’est sorti de la plateforme Coliposte, a assuré la CGT qui tient le blocage avec des grévistes de Solidaires et des « gilets jaunes ». A Vannes (Morbihan), le dépôt de bus a été bloqué entre 06H00 et 08H00.
Le port du Havre reste sans activité, en raison d’une grève des remorqueurs depuis mardi.
Dans les raffineries, la grève qui paralyse les expéditions de carburant de la raffinerie Total de la Mède depuis le 5 décembre se poursuivait jeudi, selon un représentant syndical. Chez Esso à Fos-sur-mer, où les personnels ne sont pas en grève jeudi, l’activité tourne « à plein régime », selon une porte-parole de la direction.
Plusieurs cortèges sont prévus. A Paris, un défilé reliera deux gares (Lyon et Est) à partir de 14H00.
Mais c’est Matignon qui continue d’attirer tous les regards. Après avoir reçu les organisations syndicales et patronales les unes après les autres mercredi, le Premier ministre les réunit ensemble dans l’après-midi. Édouard Philippe indiquera-t-il la porte d’une sortie de crise juste avant Noël? En tout cas, il devrait prendre la parole après cette réunion.
« On a compris que sa détermination était complète, la nôtre l’est aussi », a lâché le secrétaire général de FO, Yves Veyrier, mercredi soir en sortant de Matignon.
« On est très, très loin, encore, d’être d’accord », avait résumé un peu plus tôt le numéro un de la CFDT, Laurent Berger. Globalement favorable à la réforme mais toujours vent debout contre l’âge d’équilibre, assorti d’un bonus-malus dès 2022 pour inciter à travailler plus longtemps et équilibrer les comptes, il a prévenu jeudi sur Europe 1 qu' »en janvier, si il y a pas d’avancée, la CFDT continuera de se mobiliser ».
Le camp réformiste a cependant senti « une volonté de discussion ». A l’image de Laurent Escure (Unsa), qui a noté « des ouvertures » sur « la pénibilité, les fins de carrière, le minimum de pension », même si elles « restent à confirmer ».
Le Medef n’était « pas du tout demandeur de cette réforme », a souligné jeudi son président Geoffroy Roux de Bézieux, souhaitant un projet « équilibré ».
Édouard Philippe est en première ligne, au côté de Laurent Pietraszewski. Le nouveau « M. retraites » du gouvernement, tout juste nommé secrétaire d’État, a été jeté dans le grand bain à remous d’un conflit social au long cours.
Le dossier de son prédécesseur Jean-Paul Delevoye est, lui, déjà dans les mains de la justice: la Haute autorité pour la transparence a saisi mercredi le parquet pour ses « omissions » d’activités.
Emmanuel Macron, pour sa part, surveille le devenir d’une réforme-clé de son quinquennat sans s’exprimer directement. Il a tout de même fait savoir qu’il était « disposé » à « améliorer » le projet, qui doit être transmis au Conseil d’État avant Noël et présenté en Conseil des ministres le 22 janvier.
Le chef de l’État s’est fixé pour « objectif d’obtenir une pause du mouvement social pendant les fêtes », selon l’Elysée.
En assemblée générale, les grévistes parlent plutôt de « lutte de Noël ». A mesure que « les jours passent », a prévenu le leader de la CGT, Philippe Martinez, « la colère peut se transformer en plus de colère ».