En Suisse, les conducteurs de train prennent leur retraite à 65 ans

La grève a sérieusement perturbé la semaine dernière l’inauguration du Léman Express, le RER franco-suisse, reliant Genève à Annemasse, en Haute-Savoie.

Elle n’a pas permis de belles retrouvailles entre deux grandes familles qui exercent le même métier mais dans deux mondes totalement différents. À savoir les employés des Chemins de fer fédéraux (CFF) et ceux de la SNCF. Les premiers ne débrayent jamais. La dernière convention collective de travail, entrée en vigueur le 1er mai 2019, fixe les conditions de travail et d’embauche pour les trois prochaines années. Les augmentations de salaire tourneront autour de 0,8 à 0,9 % par an. Le personnel âgé de plus de 60 ans a gagné une semaine de vacances supplémentaires. Les deux parties se disent « satisfaites du résultat ».

Car les chemins de fer helvétiques continuent de salarier de nombreux sexagénaires. « En Suisse, la retraite est de 64 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes. Comme pour le reste de la population, il n’y a pas de différence de traitement entre les cheminots et les autres », explique Frédéric Revaz, porte-parole des CFF (en allemand Schweizerische Bundesbahnen, SBB). Qu’il s’agisse de contrôleurs comme de conducteurs de trains, que l’on appelle « pilotes de locomotives » de l’autre côté du Jura. Mais s’ils travaillent plus longtemps, les 33 000 cheminots suisses gagnent nettement mieux leur vie que leurs cousins français.

En effet, le salaire annuel minimal d’un pilote de locomotive atteint 70 355 francs suisses, soit 64 536 euros par an et 5 378 euros par mois. Cette paie peut progresser jusqu’à 7 830 euros mensuel. Il ne s’agit que d’un salaire de base, auquel il faut ajouter toutes les primes en fonction de la région de travail et des tours de service, travail du week-end et de nuit, qui se montent à quelques centaines de francs par mois. En ce qui concerne un contrôleur, il débute à 4 100 euros par mois et peut gagner jusqu’à 6 600 euros. Certes, il faut tenir compte du coût de la vie, bien plus élevé en Suisse, notamment à Zurich et à Genève, qu’en France.

Sans oublier que les licenciements de cheminots suisses, même s’ils restent rares, sont plus fréquents qu’à la SNCF. Par ailleurs, Jürg Hurni, secrétaire syndical du personnel des transports, constate que les CFF signent de plus en plus de contrats temporaires, qui ne sont pas soumis à la convention collective du travail. En cinq ans, le nombre d’intérimaires serait ainsi passé, selon le SonntagsBlick de 1 120 à 3 253. Notamment en ce qui concerne le nettoyage des trains, et dans les ateliers. Les Chemins de fer fédéraux, contrairement à la SNCF, n’ont pourtant pas de fins de mois trop difficiles. Ils ont annoncé un excédent de 521 millions d’euros pour l’année 2018.

L’ouverture du marché du rail va-t-elle pousser les locomotives suisses à partir à la conquête des régions françaises ? Elles le font déjà, à un petit niveau. Depuis 2001, les CFF concurrencent la SNCF dans l’Ain, en assurant la liaison Bellegarde-Pougny-Chancy-Genève, empruntée par les travailleurs frontaliers. Et depuis la semaine dernière, Annemasse, en Haute-Savoie.

Les conditions de travail proposées aux cheminots dans la Confédération peuvent-elles tenter leurs collègues français ? D’autant que d’ici à 2024, les CFF comptent recruter un millier de pilotes de locomotive. À la question : des salariés de la SNCF, encore en activité ou déjà à la retraite, vous proposent-ils parfois leurs services en Suisse ? Les chemins de fer fédéraux nous ont répondu : « Nous ne tenons pas de statistiques à ce sujet. »

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