Les autorités indiennes ont coupé vendredi l’accès à internet en plusieurs endroits du pays, anticipant de nouvelles manifestations contre une loi sur la citoyenneté dénoncée comme discriminatoire envers les musulmans.
Vingt-sept personnes ont péri en deux semaines dans des manifestations parfois violentes contre cette législation qui a cristallisé les griefs et peurs suscités par le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi. Ce mouvement de contestation est le plus important depuis l’arrivée au pouvoir des nationalistes hindous en 2014.
En prévision de nouvelles manifestations vendredi, jour de la grande prière musulmane, les responsables d’Uttar Pradesh (nord) ont suspendu l’internet mobile et les SMS dans 21 districts sur 75, dont la capitale régionale Lucknow.
Dans plusieurs zones de cet État, contrôlé par les nationalistes hindous et dirigé par un moine radical, l’internet mobile n’avait été rétabli que mardi après près d’une semaine de suspension. Cette région de 220 millions d’habitants compte 20% de musulmans.
Bloquer l’accès à internet pour limiter les manifestations est une technique couramment utilisée par les autorités en Inde, le pays étant le leader mondial en nombre de coupures d’internet. Le site internetshutdown.in en a ainsi recensé une centaine pour la seule année 2019.
En amont de la grande prière hebdomadaire, des milliers de policiers armés patrouillaient vendredi matin des districts d’Uttar Pradesh à majorité musulmane. 5.000 personnes ont été placées en détention préventive, en plus de 1.000 autres déjà arrêtées en lien avec les manifestations.
Cette région pauvre et notoirement corrompue, où se trouve notamment le célèbre Taj Mahal, avait vu de violents heurts il y a une semaine après la sortie des mosquées.
Le mouvement de contestation a d’ores et déjà entraîné la mort de dix-neuf personnes dans cet État, la plupart tuées par balle. Un enfant de huit ans a péri piétiné dans un mouvement de panique dans la ville sacrée de Varanasi, circonscription de Narendra Modi.
La réponse brutale des forces de l’ordre nourrit la colère des manifestants, qui accusent les autorités de répression arbitraire.
Approuvée le 11 décembre par le Parlement, la loi contestée facilite l’attribution de la citoyenneté indienne à des réfugiés, mais pas s’ils sont de confession musulmane.
Si elle ne concerne pas directement les musulmans indiens, elle a renforcé les inquiétudes de cette minorité (14% du 1,3 milliard d’Indiens), qui craint d’être reléguée au rang de citoyens de seconde classe dans l’Inde des nationalistes hindous.
Alors que ce mouvement de contestation connaît un grand retentissement international, les autorités indiennes gardent à l’œil les agissements des étrangers présents dans le pays et prennent des sanctions si elles découvrent qu’ils se sont joints à la mobilisation.
Une touriste norvégienne qui a participé à une manifestation dans l’État du Kerala (sud) s’est ainsi vu ordonner de quitter le pays, a rapporté l’agence Press Trust of India.
Plus tôt dans la semaine, un étudiant allemand en échange universitaire à Chennai (sud) a également dû partir d’Inde après avoir participé à une marche contre la loi sur la citoyenneté, d’après la presse indienne. Selon des photos publiées par les médias, le jeune homme avait défilé avec une pancarte disant « 1933 – 1945 Nous sommes passés par là », en référence à l’Allemagne nazie.