L’armée américaine a bombardé dimanche soir des bases d’une faction armée pro-Iran en Irak, tuant 19 combattants, deux jours après une attaque à la roquette qui a tué pour la première fois un Américain.
Alors que ces raids aériens américains provoquaient l’indignation générale en Irak jusqu’au plus haut niveau de l’Etat, quatre roquettes se sont abattues peu après aux abords d’une base abritant des soldats américains près de Bagdad, sans faire de victime, a indiqué un responsable des services de sécurité.
Les frappes contre des bases et des stocks d’armes des brigades du Hezbollah à la frontière entre Irak et Syrie interviennent après deux mois d’une escalade sans précédent dans les tirs de roquettes contre les intérêts américains en Irak, pays en pleine révolte contre le pouvoir et son parrain iranien, alors que Washington est désormais, politiquement, aux abonnés absents.
Le Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires dominée par les pro-Iran et désormais intégrée aux forces de sécurité irakiennes, a annoncé un bilan de 19 morts – des combattants et des commandants – et de 35 blessés dans les frappes américaines menées dans l’ouest de la province désertique d’al-Anbar, qui va de Bagdad à la frontière syrienne.
Ces raids visaient, a assuré le Pentagone, à « affaiblir les capacités des brigades du Hezbollah à mener de futures attaques ».
Car depuis le 28 octobre, 11 attaques à la roquette ont visé des bases où sont postées des soldats ou des diplomates américains, et jusqu’à l’ambassade américaine dans l’ultra-sécurisée Zone verte de Bagdad.
Les 10 premières attaques ont fait un mort et des blessés parmi les militaires irakiens, ainsi que des dégâts matériels, mais celle de vendredi soir a marqué un tournant.
Non seulement elle a tué un sous-traitant américain mais, pour la première fois, 36 roquettes se sont abattues sur une seule et même base abritant des soldats américains, rapporte une source américaine.
Et les projectiles ont visé la base K1 à Kirkouk, zone pétrolière au nord de Bagdad que le Kurdistan dispute aux autorités fédérales, avec une précision inédite.
« Les tirs ont visé précisément la zone où se trouvent les Américains, près de la salle de réunion », au moment même où de hauts commandants de la police irakienne et de la coalition internationale antijihadiste auraient dû s’y trouver, a indiqué un responsable irakien à l’AFP.
Ils devaient diriger une vaste opération dans des zones montagneuses où se terrent toujours des cellules du groupe jihadiste Etat islamique (EI), annulée au dernier moment en raison de conditions météorologiques défavorables, selon la police.
Pour plusieurs de ces attaques, des sources américaines ont accusé les brigades du Hezbollah, une des factions pro-Iran du Hachd. Ce dernier a été formé en 2014 pour lutter contre les jihadistes, à partir notamment de groupes existant depuis des années et ayant longtemps combattu les Américains après leur invasion de l’Irak en 2003.
Les brigades du Hezbollah, armées, entraînées et financées par l’Iran, opèrent pour partie au sein du Hachd – donc des troupes régulières irakiennes – et pour partie indépendamment, notamment en Syrie, où elles servent de supplétifs aux forces du régime de Bachar al-Assad.
Le porte-parole militaire du Premier ministre démissionnaire Adel Abdel Mahdi a dénoncé « une violation de la souveraineté irakienne », tandis que la classe politique relançait une campagne récurrente en Irak pour bouter les Américains hors du pays.
Les brigades du Hezbollah ont appelé à « dégager l’ennemi américain », tandis qu’une autre faction pro-Iran, Assaïb Ahl al-Haq, dont les chefs ont récemment été visés par des sanctions américaines, a estimé que « la présence militaire américaine est devenue un fardeau pour l’Etat irakien et, surtout, une source de menace ». « Il est désormais impératif de tout faire pour les expulser par tous les moyens légitimes », indique-t-elle dans un communiqué.
Le numéro deux du Parlement, issu du mouvement du turbulent leader chiite Moqtada Sadr, a appelé l’Etat à « prendre les mesures nécessaires » face aux attaques américaines, de même que la puissante organisation Badr, autre faction armée pro-Iran.
Les attaques contre des intérêts américains ou des bases des pro-Iran font aussi redouter ce contre quoi les dirigeants irakiens mettent en garde depuis des mois: que leurs deux alliés américain et iranien utilisent leur sol comme un champ de bataille.
Aujourd’hui toutefois, le rapport de force a changé dans le pays, où sont toujours stationnés 5.200 soldats américains.
L’Iran a renforcé son influence chez son voisin au détriment de Washington, aux abonnés absents ou presque depuis trois mois d’une révolte populaire sans précédent.
Depuis la démission du gouvernement irakien il y a près d’un mois, Téhéran et ses alliés en Irak poussent pour placer un de leurs hommes au poste de Premier ministre. Face à l’intransigeance iranienne, le président Barham Saleh menace lui aussi de démissionner.
L’instabilité politique a été déclenchée par la pire crise sociale que connaît le deuxième producteur de pétrole de l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole), avec près de 460 morts et 25 000 blessés.
Les manifestants paralysent toujours administrations et écoles dans la quasi-totalité des villes du Sud. Depuis samedi, ils sont même parvenus à interrompre pour la première fois la production – de 82 000 barils par jour – d’un champ de pétrole du Sud.