Le socialiste espagnol Pedro Sanchez a défendu samedi devant les députés sa candidature pour être investi président d’un gouvernement d’union de la gauche inédit, avec l’aval d’indépendantistes catalans, en faisant du dialogue en Catalogne « une priorité absolue ».
« L’Espagne ne va pas se briser ni la Constitution, ce qui va se briser c’est le blocage » politique, prévalant depuis huit mois, a lancé d’emblée M. Sanchez à l’attention de la droite et de l’extrême droite qui l’ont accusé de vouloir « en finir » avec le pays, lors d’une session au ton agressif.
M. Sanchez a exposé au Parlement le programme du gouvernement que les socialistes entendent former avec leurs anciens rivaux du parti anti-austérité Podemos.
Il prévoit d’augmenter les salaires les plus faibles, d’alourdir les impôts des plus riches et des grandes sociétés ou de détricoter la controversée réforme du marché du travail de 2012.
Le premier vote de confiance dimanche ne devrait pas lui donner la majorité absolue nécessaire pour être reconduit au pouvoir, ce qui en entraînera un second mardi lors duquel il devra seulement obtenir plus de oui que de non.
Le socialiste est, sauf coup de théâtre, assuré d’avoir les voix nécessaires mardi depuis que le premier parti indépendantiste catalan, ERC (Gauche républicaine de Catalogne), a validé jeudi un accord conclu avec les socialistes et promis que ses 13 députés permettraient l’investiture de M. Sanchez en s’abstenant.
ERC et les socialistes sont convenus que les gouvernements central et régional entameraient prochainement un dialogue pour résoudre « le « conflit politique sur l’avenir de la Catalogne », puis que le résultat de ces négociations serait validé par les Catalans « lors d’une consultation ».
Sous les huées de députés de droite, le socialiste au pouvoir depuis un an et demi a reconnu l’existence d' »un conflit de nature politique » en Catalogne, théâtre en 2017 d’une tentative de sécession.
« Il existe dans une large partie de la population catalane un sentiment d’injustice à l’égard des institutions centrales », a-t-il noté, et « un autre segment tout aussi vaste qui se sent ignoré ou traité injustement par les institutions (régionales indépendantistes) de sa propre terre ».
« On ne peut imposer ni interdire les sentiments » et « ce que je propose, c’est de reprendre le dialogue politique (…) en abandonnant la judiciarisation du conflit », a-t-il dit, alors que neuf dirigeants indépendantistes ont été condamnés mi-octobre à la prison pour la tentative de sécession de 2017.
« Le dialogue, toujours dans le cadre de la Constitution, sera notre priorité absolue », a insisté M. Sanchez.
En réponse, le dirigeant du Parti populaire (conservateur), Pablo Casado, a présenté M. Sanchez comme le « dirigeant d’une coalition qui veut en finir avec l’Espagne constitutionnelle ».
M. Casado a attaqué « un gouvernement Frankenstein » formé « par des communistes » et des « séparatistes », comme après lui Santiago Abascal, le chef de la formation d’extrême droite Vox, troisième force politique du pays.
A la tribune, M. Abascal a multiplié les épithètes injurieuses envers M. Sanchez – « traître », « escroc », « méchant de bande dessinée » – et salué le rassemblement aux portes du Parlement de quelques milliers de personnes « en défense de l’unité » de l’Espagne.